[Chapitre 1: Souvenir]

[Chapitre 1: Souvenir]

Les prémices des maîtrises


Près des berges je me tenais droite, mes yeux fixant l'eau qui n'offrait aucune vagues à perte de vue.
Je m'était alors abaissée pour toucher du bout du doigt l'étendue avec un intérêt tout particulier. Je me sentais bercée et étrangement calme pour une enfant de dix ans face à l'immensité que je regardais avec un amour grandissant. J'avais entendu dire par les plus grands que le Lac Noumu hébergeait des Banshees, des sorcières des eaux à ce qu'on disait et qu'elles tuaient les plus téméraires rien qu'en hurlant au centre du lac, pourtant je n'étais pas vraiment effrayée non, j'étais curieuse et j'avais décidé de venir ici pour le voir de mes propres yeux.

Cependant je n'étais pas venue avec l'idée de les voir apparaitre par magie sans rien faire pour provoquer leur colère, si bien que tout en voulant satisfaire mon esprit curieux j'avais décidé de réviser les signes que l'un de mes professeurs m'avait appris durant la semaine. Je n'étais toujours pas parvenu à effectuer la technique en question et aujourd'hui j'avais aussi bien toute la journée pour attendre les banshees que de m'entrainer à cracher de l'eau par ma bouche car il s'agissait bien de cela. Mon maître m'avait bien dit qu'il s'agissait du B.A.BA et que je devrais d'abord maîtriser cette attaque avant de penser à apprendre d'autres signes.
J'allais essayer d'attirer les banshees en crachant de l'eau sur de l'eau! J'allais déranger leur sommeil pour les voir apparaitre et une fois qu'elles sortiraient de leur cachette je me boucherais les oreilles pour ne pas les entendre!

Je commençais alors à composer avec maladresse les signes que je connaissais, certes par cœur, mais avec une lenteur déconcertante. Je n'étais pas encore particulièrement habile de mes mains et mes doigts étaient maladroits entre eux encore même si je parvenais à faire un henge sans problème, exécuter une technique de suiton se révélait être une tout autre affaire.
Mes sourcils étaient froncés, mes prunelles fixaient mes doigts avec hargne et ma petite langue était tirée alors que je la mordais avec mes dents. J'étais assidument concentrée à ce moment rien de plus sûr. Une fois les signes terminés au bout de plus de trente secondes, je prononçais la formule à haute voix!

" - Suiton, Kaihodan! "

Et là! Rien ne sorti de ma bouche, si bien que pour ne pas me frustrer je lâchais un petit molard dans l'eau afin de me faire croire que j'étais sur la bonne voix.

" - Ouais! Encore un peu d'entrainement et je ferais des vagues c'est sûr! "

Durant les heures qui suivirent je me contentais de composer les signes le plus rapidement possible avec mes doigts afin de les rendre de plus agiles car j'avais bien compris que si j'étais capable de les faire en moins de cinq petites secondes je serais réellement en mesure d'évoluer. Tant que je n'étais pas capable de cela ce n'était pas la peine d'essayer de cracher de l'eau car je savais que je n'y parviendrais pas.
Mes doigts étaient de plus en raides, mais ils avaient l'avantage d'être chaud et assidu dans leur entrainement. Je me décidais alors à retenter ma chance après mon premier échec. Je composais les signes avec parfois quelques légères maladresses mais rien d'éliminatoire et je prononçais une nouvelle fois le nom de la technique que je souhaitais parvenir à effectuer.

" - Suiton, Kaihodan! "

Un mince filet d'eau jailli alors de ma bouche! Rien de bien extravaguant vous me direz mais il s'agissait déjà d'un grand progrès à mon goût, après tout j'avais réussi à donner à l'eau qui me faisait face quelques ondulations. Je sautais alors sur mes petits pieds avec joie.

" - J'suis trop forte! J'suis trop forte! "

Puis je reprenais d'un coup mon sérieux en remettant au travail. Je refaisais les signes prononçait la formule de ma technique, et de l'eau jaillissais de ma bouche, plus je m'appliquais plus je parvenais à faire quelque chose de puissant. Puis refaisant une dernière fois la technique, je composait en moins de huit secondes les signes avant de crier haut et fort le nom de cette dernière une dernière fois.

" - Suiton, Kaihodan! "

Un violent jet s'échappa d'entre mes lèvres, créant de grosses vagues sur la surface de l'eau que je pus percevoir comme allant sûrement jusqu'au centre du lac même si je n'en étais pas sûre. Mes prunelles étaient humides d'émotions et un sourire satisfait de dessinait sur ma bouche.
Cependant mon plaisir ne dura pas bien longtemps. Une forme se dessinait sur les eaux et je venais de blémir comme jamais je n'aurais cru pouvoir le faire. Sans chercher à comprendre j'attrapais les quelques affaires que j'avais apporté avec moi et je courrais en direction du village. Finalement ces banshees ça ne me disait rien de les voir!

L'enfance et ses croyances


Je n'étais pas revenue au Lac Noumu depuis plus de deux semaines, je tremblais encore à l'idée de revoir ce que j'avais cru discerner dans la brume au-dessus de l'eau mais je m'interrogeais tout de même; avais-je vraiment vu quelque chose sur ces eaux ou était-ce la fatigue qui m'avait confronté à quelque chose que je craignais. Après tout les banshees sont des sortes de fantômes quoi de plus normal que d'en avoir peur.
J'étais donc revenue une nouvelle fois, un petit sac trainait à côté de moi, j'y avais mis un petit quatre heures car la dernière fois j'avais eu un peu la dalle il fallait l'avouer.

Le lendemain où j'étais rentrée au village en courant j'en avais profité pour montrer la maîtrise que j'avais acquise de la technique que l'on m'avait enseigné. Si bien qu'après m'avoir félicité il m'avait promis de m'apprendre de nouveaux signes pour une nouvelle technique dans le courant de la semaine.
Nous étions aujourd'hui samedi et je connaissais ces nouveaux signes mais je n'avais pas encore eu l'occasion de m'essayer à la technique.

Je regardais alors la paume de ma main qui me servait d'anti-sèche pour les signes que je devais composer. Mes doigts devenaient de jours en jours beaucoup plus habiles qu'auparavant. Je m'étais beaucoup moins de temps à les placer les uns dans les autres, tout cela en devenait presque instinctif même. Je m'exerçais encore et encore avant de me décider à prononcer le nom de cette nouvelle technique qui ressemblait un peu à celle que j'avais apprise un peu avant.

" - Teppoudama! "

Je venais de cracher un tout petit mollard à plus de quinze mètres de distance, certes il s'agissait d'un record de mes lancés de mollards mais ce n'était pas très exactement ce à quoi je m'attendais. Je me concentrais davantage: langue tirée et mordue, sourcils froncés vers mes doigts et yeux exorbités fixant mes mains. Puis je lançais avec beaucoup plus de conviction le nom de mon attaque.

" - Teppoudama! "

Cette fois-ci je crachais de ma bouche une boule d'eau relativement conséquente qui m'impressionna moi-même tandis que je reculais d'un pas en la regardant se diriger bien loin dans le lac. Je faisais vraiment beaucoup de progrès et ce n'étais pas simplement grâce à tous mes cours, j'étais principalement en cause dans cela puisque je m'entrainais jusqu'à plus soif et jusqu'à je finisse par parvenir à mes fins. J'étais déterminée et c'était bien cela qui faisait ma force, je voulais être capable de maîtriser n'importe quelle attaque en un temps record.
Je me concentrais de nouveau, composait rapidement les signes entre mes doigts et prononçait une dernière fois l'attaque distinctement.

" - Teppoudama! "

Cette fois-ci un tir parfait d'eau avait jailli de ma bouche et venait déjà de disparaitre dans l'eau du lac à plus de cinquante mètres de là où je me trouvais. Un sourire de vainqueur se traçait encore une fois sur ma bouche. J'allais tous leur foutre la rage à l'école tellement j'étais habile, mais bien sûr je n'allais sûrement pas préciser que je m'étais entrainé d'arrache-pied durant plusieurs heures sinon tout de suite c'était beaucoup moins drôle.
Mais je me glaçais une fois encore d'un coup, je venais de sentir un souffle froid derrière moi. J'étais pétrifiée et j'avais les larmes aux yeux, je tournais la tête avec lenteur sur le côté, les yeux grands comme des soucoupes. Je vis des cheveux blancs sur mon épaule, il ne m'en fallu pas plus pour m'enfuir à toute jambe sans prendre la peine de prendre mes affaires avec moi.
C'était même plus la peine. Jamais je reviendrais ici toute seule!