[Habitations] Appartement d'Ace

Ambiance

Première Partie

How Can You Heal Me ?

Étais-je mort à cause de ma stupidité ? Certainement. Je dérivais, dans de profondes ténèbres, au gré des courants de cette eau glaciale, me demandant où elle me mènerait. L’enfer, je l’avais imaginé bien plus chaud, bien plus lumineux que cet endroit, ce qui m’amenait à douter de ma propre mort. Un état second alors. Les flots s’arrêtaient et j’échouais sur une étrange côte, un paysage grisonnant m’offrant un bien triste accueil. Sans trop savoir pourquoi, je fis un pas, puis un autre, pour finir par me mettre à courir comme si j’étais à la recherche de quelque chose de précis. La scène où je me trouvais défilait de part et d’autre que moi, se transformant en forme floue au fur et à mesure que mon allure croissait. Une anxiété que je n’avais pas ressentie depuis des lustres s’empara de moi, serrant d’une étreinte douloureuse mon cœur qui avait, à intervalles régulières, des ratés. Quand j’arrivai au bout de ce qui m’apparaissait comme une île dessiné en noir et blanc, un vaste néant s’étendait à perte de vue. Sans hésiter une seule fraction de secondes, je sautais tête la première dans ce vide, pour chuter vers une destination encore inconnue.

Je tombais, indéniablement, mais je n’avais encore rencontré aucun sol sur lequel je devais logiquement me heurter. Mais à ma grande surprise, ma vitesse de chute diminua jusqu’à ce que j’atterrisse lestement sur une sorte de plaque vitrée. Les ténèbres étaient toujours omniprésentes et totales or pour une raison qui m’échappait, je me voyais. Sans crier gare, le verre sous mes pieds s’illumina et commença à faire défiler des images qui me semblaient familières. Je ne compris pas tout de suite de quoi il en retournait, vu que je ne me souvenais pas du bébé qu’on diffusait en boucle sur cette étrange télévision. Quand mon moi enfant apparut, il me devint évident que je voyais défiler sous mes yeux l’histoire de ma vie. Un sourire nerveux, comme ceux que l’on fait lorsque que la vérité est trop dur à accepté, étira mes lèvres. La preuve évidente de mon trépas se jouait sous mes pieds, dans un pseudo écran télé. M’accroupissant, je me mis à taper du poing, cherchant à briser cette vitre, comme si, en empêchant ses images de défiler, je pouvais éloigner la mort. Et j’eus une nouvelle révélation : j’avais peur, peur de mourir.

Je m’épuisais en vain. Je n’avais même pas pu rayer le verre. Et l’histoire en était déjà au moment où mon père m’avait vendu au plus offrant, me poussant dans une voie de souffrance. Et je redevins un enfant car je n’arrivais pas à retenir les flots impétueux des larmes qui menaçaient de couler ses mes joues. Revoir les évènements pénibles de ma vie, cette fois-ci dans le rôle de spectateur était sans nul doute plus douloureux que de les avoir vécus. À l’image de lames s’enfonçant profondément dans ma chair, brisant mes os et déchiquetant mon cœur, les souvenirs de mon enfance malheureuse continuaient de défiler, à l’instar d’un film. Là, à mes huit ans, j’étais un mousse, frottant le bois du pont d’un bateau. La crainte que je ressentais à cause de l’ombre menaçante et de son fouet châtieur ne cessait d’augmenter. Plus tard, lors de mon dixième printemps, j’étais plus fort mentalement et tandis je regardais avec un air de défi mon tortionnaire, ce dernier s’affairait à me remboiter l’épaule qu’il avait déboité pour la sixième. La douleur m’avait fait perdre connaissance à plusieurs reprises mais je refusais toujours de leur donner les informations qu’ils voulaient. Après, environ trois années s’étaient écoulées. Je servais de souffre-douleur à une famille de riche car il répugnait à marquer leur enfant pour le punir et préférait lui infliger des traumatismes plus doux en l’obligeant à me voir payer pour ses erreurs.

J’avais fermé les paupières sur mes prunelles azurés et retenait mal mon chagrin quand des rires résonnèrent à mes oreilles. Relevant la tête, je compris que la partie la plus horrible de mon passé s’en était allé pour faire place à la période où j’avais été pirate. À l’instar de diaporamas colorés, je voyais l’équipage de notre navire, chantant joyeusement lors de notre réunion quotidienne. Je me voyais faire le pitre, embêter Sasei en la soulevant et la faisant tournoyer jusqu’à ce que se mette à pleurer. Je me voyais blesser, allongé sur mon lit, lançant des chapelets d’injures à cette dernière parce qu’elle se vengeait en rendant mes consultations plus douloureuses que d’ordinaire. Le jour de notre séparation, plein de pleurs, les miens hormis, ce jour où Yuun et moi nous étions reconvertis en shinobi de Kiri. Le fameux jour où je la vis pour la première fois.

Et comme si je n’avais jamais vécu ses scènes, je les regardais avec une attention toute particulière. Le film de ma vie devint soudainement tellement plus intéressant et ce, uniquement grâce à ce nouveau personnage. Mei avait ajouté quelque chose de plus à l’existence que je croyais déjà parfaite et je ne savais toujours pas quoi. Et depuis, je lui appartenais et ce, malgré mon attitude volage. Pour cette simple raison, je ne pouvais pas rester ici, à me regarder mourir sans rien dire, je devais lui revenir. Et alors que je pensais ainsi, que je me relevais prêt à tout pour sortir de cet état second, une image se figea sur l’écran de verre. Mon cœur eut un raté quand, sous mes yeux, se rejoua le jour où j’avais volé ce baiser à la Mizukage. De ma position de spectateur, je vis et compris des choses que, du temps où je fus l’acteur de scène, je n’avais pu remarquer. Je ne sus comment les interpréter mais surtout je n’en eus pas le temps. Le contraste du verre s’affaibli et les ténèbres revinrent tout englober autour de moi.

Quand j’ouvris les yeux, je fus surpris de voir que l'objet de mes désirs, l'élément principal de la dernière scène orchestrée dans mes songes, était à mon chevet. Je la contemplai un long moment, appréciant le contact de sa joue contre ma main, bien que ma main, elle, je ne la sentais plus vraiment. Une fois que je fus rassasié du spectacle que m'avait offert mon état comateux, je rompis de suite ce contact, bien qu’il fût agréable. Ma réaction suivante fut bien moins logique, vu qu’elle consista à reculer, conscient qu'après tant de douceur, viendrait ce que je redoutais tant. Ma tête heurta le mur derrière moi et ce ne fut qu’à ce moment que je remarquai le décor que sa vision avait effacé, sublimé. J’étais dans ma chambre, dans mon lit et ma tête me faisait un mal de chien maintenant, comprenant désormais ce que ça faisait d’avoir la gueule de bois. Me massant l’arrière du crâne avec ma main bandé, me débarrassant du drap qui me gênait, je posai la question la plus pertinente qui me vint à l’esprit.

♠ Qu’est-ce qui s’est passé ? ♠

Je n’avais aucun souvenir de ce qui s’était produit avant que mes yeux ne se ferment ou du moins, des flashes sans grande consistance me revenaient. Je n’en étais pas encore conscient mais j’avais dormi pendant plus de trois jours et c’était apparemment Mei qui m’avait trouvé.

Ambiance

How Can You Heal Me ?

Et mon cœur s’arrêta quand tes parfums vinrent m’enivrer, tel un poison plongeant doucement mon être dans un sommeil éternel. Mon vœu avait été exaucé car j’avais vu la lumière avant de fermer les paupières sur ce monde coloré, désormais, par tes couleurs. L’enfer me serait plus doux maintenant que j’avais goûté au feu dévastateur de ta tendresse. Laisse-moi partir avant que cette ivresse, elle, ne s’enfuit.

Mon cœur s’était calmé devant la vision de cette déesse endormie, ému par une beauté que je redécouvrais, dans un autre contexte. J’avais eu envie de lui caresser les cheveux, doucement, de peiner de la réveiller, de peine de gâcher ce sublime tableau. Mais je préférais en finir sur le champ, en venir dès maintenant à ma punition de manière à éviter une nouvelle désillusion. Je ne désirais pas chercher un exutoire à cette prochaine peine, surtout pas quand je venais d’échapper de justesse à une mort certaine. Je rompis sèchement ce contact, attendant qu’elle fasse ce qu’elle avait à faire et qu’elle me fiche la paix pour le reste de la semaine. Or, comme toujours, elle n’en avait que faire de ce que je pouvais éprouver, n’en faisait qu’à sa tête. Et brisant sans réfléchir la volonté que j’essayais d’affermir, elle m’attrapa et me serrant contre elle. J’aurai pu résister, la repousser, mais toute raison me quitta dès que ma main toucha à nouveau la mienne.

Mon rythme cardiaque s’affola, hérétique, menaçant de mettre fin à mes jours d’une manière encore plus ridicule que celle que j’avais esquivée quelques jours auparavant. Je voulus la serrer, moi aussi, mais mon cerveau ne semblait plus capable d’envoyer un seul ordre à mes membres encore engourdis. Je voulus lui dire que j’avais du mal à respirer, bien que suffoquer à cause de cette étreinte ne me dérangeait pas le moins du monde. Je ne pouvais que profiter de l’affection qu’elle m’offrait, pour une fois, de son plein gré, fermant les yeux tandis que ses doigts glissaient entre mes mèches rebelles. Après tout, je savais que cela ne durerait pas, que la suite serait bien moins agréable, que, comme d’habitude, elle me satisfaisait pour mieux me tourmenter ensuite. Aussi, je ne fus pas du tout surpris, quand elle me rejeta sur mon lit non sans tenter de me frapper en même temps. J’écartai la tête que quelques millimètres, de manière à lui donner l’impression qu’elle m’avait touché, alors qu’elle ne m’avait même pas effleuré. Je n’étais pas d’humeur à prendre des coups alors que j’avais encore sur mon corps les bleus de mon précédent combat.

Ce qui c’était passé, j’aimerais bien le lui dire, mais j’avais été frappé si fort que je ne me souvenais toujours pas de tous les détails. Amnésie partielle ou un mensonge qui me convenait ? Les deux options étaient valables et se valaient. Quand elle m’attrapa le menton, je ne bronchai pas, me contentant de soutenir son regard et de lui montrer toute l’indifférence que je pouvais encore simuler. Je savais que la rage miroitant dans ses yeux émeraudes était aussi factice que le manque d’intérêt que j’affichais en ce moment. Elle refusait juste de montrer plus longtemps l’inquiétude qui l’avait rongé ainsi que le soulagement qui la submergeait. Autant la pomme qu’elle m’avait violement mise dans la bouche, je la fixai avant de me détourner du fruit pour retourner mon attention vers elle. Je voulais la faire souffrir, comme elle s’amusait à le faire depuis tant d’années et avant même que je ne réfléchisse à ces paroles, elles avaient déjà franchi la barrière de mes lèvres.

♠ Si je ne suis pas venu, c’était uniquement parce que je n’aurais pas supporter de te voir. Mais tu devais t’en douter, non, vu qu’une maîtresse sait généralement tout de son animal domestique. ♠

Mon ton avait été tranchant et sans doute plus sec que je ne l’avais souhaité, mais elle méritait parfois que je me montre aussi rebelle, aussi froid. Sans m’excuser, je me levai, sortis de ma couche et traversai la pièce pour ouvrir l’une des portes. J’avais la démarche d’un homme saoul mais cela ne me dérangeait pas tant que je pouvais m’éloigner d’elle un moment. Les minutes passèrent et quand je revins dans ma chambre, de l’eau ruisselait sur chaque centimètres carrés de ma peau, tandis qu’une serviette attaché à ma taille ainsi qu’un sous-vêtement propre étaient mes seuls vêtements. M’affairant comme si elle n’était pas là, présente à m’observer, j’ouvris l’une de mes tiroirs et en sorts de quoi me couvrir convenablement. Ôtant ma serviette et enfilant l’un de mes rares pantalons - ce dernier tombait légèrement sur moi à l’instar de tout mes autres vêtements -, la pudeur n’étant pas l’une des mes caractéristiques, je me laissai tombé, torse nu sur mon lit et me décidait à manger cette pomme. Entre deux bouchées, je lui dis d’un ton plutôt las.

♠ Tu es venue pour me punir. Vas-y, donne toi à cœur joie puis laisse moi agoniser, comme la dernière fois. [sÇa me fera de nouvelles vacances… ♠

J’avais murmuré les dernières paroles, priant pour qu’elle ne les entende pas. Blasé, fatigué, je me voyais mal supporter une situation identique à celle qui s’était produite, il y a de cela un mois. Mais je pressais les choses, uniquement parce que je ne pourrais plus contenir plus longtemps le torrent brûlant en moi.

Ambiance

How Can You Heal Me ?

Elle me transperça alors que je me tenais devant elle, les mains levées, signe que je n’opposerais aucune résistance. Elle me transperça, parce que je n’avais pas l’aptitude de lui dire à quel point elle me tourmentait. Elle me transperça car dans mon incapacité, dans mon ignorance, j’avais prononcé les mots interdits. Elle me transperça dès qu’elle eut lu entre les lignes ce qui n’aurait jamais du traverser mon esprit. Elle me transperça parce que guidé par ma stupidité, j’avais osé la transpercer le premier.

Je me mordis la langue dès que les mots arrivèrent à ses douces oreilles, craignant déjà le pire. Je venais sûrement de commettre l’acte irréversible, celui qui l’éloignerait définitivement de moi. Et couché sur mon lit j’attendis sa réaction, n’écoutant que les battements de plus en plus frénétique de mon cœur. Ce dernier était mis à l’épreuve, vu la tension qui planait dans l’air et je ne savais que faire pour empêcher qu’il ne s’arrête. Je m’étais redressé, assis en tailleur, mâchant nonchalamment le fruit qu’elle m’avait offert, continuant, par orgueil sans doute, à alimenter ce désaccord entre nous. Tout ça pour quoi, parce que cela me répugnait de m’imaginer craquer devant elle, de paraître plus faible que je n’avais pu l’être ces derniers jours. Or ce silence se faisait pesant, tandis que ma volonté n’était plus que de l’histoire ancienne. Je ne savais pas encore comment montrer que je regrettais mes mots mais je l’apprêtais tout de même à me lever pour présenter mes excuses d’une manière ou d’une autre. Cependant, son approche, sa main sur ma joue me coupa dans mon élan, me figeant sur place.

Je sentis dans cette douceur le goût d’une fin proche, tandis que sa voix se fit lointaine à mes oreilles. Les secondes s’écoulaient trop lentement pensais-je quand sa main glissa loin de moi pour ensuite me gifler. Ce ne fut pas douloureux ou plutôt la souffrance dans laquelle elle me plongea était trop grande pour que je puisse ressentir quoique ce soit d’autre. Elle m’avait appelé par mon nom, elle m’avait vouvoyé avec une telle froideur que je ne pouvais que voir le gouffre se creuser entre nous deux. Le temps se gela, mon cœur se brisa, ma vie n’avait plus de raison d’être vécu et le monde n’avait soudainement plus la force de me porter en son sein. Mon rythme cardiaque se fit lent et l’espace de quelques secondes, j’eu l’impression qu’il n’était plus. Ma vision se troubla pour je ne sais quelle raison et il y eut comme une explosion dans ma poitrine. Le kunai dans mon os, le mois dernier, était une promenade de santé, à l’instar des coups que j’avais reçu il y avait trois jours. Mais ces mots, ils étaient bien plus abominable que l’enfer qui m’attendait après ma mort. Non, l’enfer avait prit une tout autre signification dès qu’elle eut prononcé ces mots : la géhenne était devenu un monde où elle ne faisait pas partie de ma vie. Et je ne pouvais l’accepter.

Mon corps bougea bien avant que je ne pense à la faire, alors qu’elle n’avait qu’entrouverte la porte par laquelle elle comptait sortir. Je fus à son côté avant même qu’elle ne s’en rendre compte, aussi silencieux qu’un prédateur. Ma main gauche referma brutalement la porte, tandis que l’autre se tenait doucement sur celle de Mei. De mes mèches encore humides dégoulinait de l’eau froide qui avait servi à me rafraîchir tantôt. J’avais la tête baissé et vu que je la dépassais d’une bonne tête, elle ne pouvait pas encore voir l’air horrifié peint sur mon visage. J’essayais, en vain, de trouver la phrase adéquat pour l’inciter à rester, ne serait-ce que quelques minutes de plus. Alors je laissai les mots sortir tels qu’ils me venaient.

♠ Tu ne te lasseras donc jamais de me faire autant souffrir ? ♠

Je n’avais pas besoin de sa réponse, vu que quelque part, je savais ce qu’elle me répondrait, je savais que cela me blesserait. Ma main glissa de la porte que je venais de fermer tandis que je l’enlaçai doucement, une étreinte qu’elle ne pouvait briser vu toute la force que je déployais. J’étais froid, à cause de la douche que j’avais prise, à cause de néant qui m’habitais maintenant. Et ce fut ce froid qu’elle sentit contre son dos, quand mon torse nu vint le frôler. Mon souffle, lui brûlant, chatouillait sa nuque, alors que ma voix l’éleva calmement dans la pièce.

♠ Reste… ♠

Mes paroles n’avaient rien d’une supplication mais n’avait pas non plus la fermeté d’un ordre. Pourtant, on sentait dans mon ton quelque chose qui rendait cette courte phrase bien difficile à ignorer. Mon nez vint se frotter contre son cou juste avant que ma langue ne vienne goûter la chaleur de sa peau.

I Think I'm Addicted...

Ambiance

How Can You Heal Me ?

Non… Un mot qui sonnait faux dans ta bouche, surtout quand tes yeux criaient autre chose. Non… Je ne pouvais laisser passer la chance que tu comprennes enfin que tu ne peux plus m’esquiver. Non… Même si on m’offrait cette opportunité sur un plateau doré, je n’aurais jamais la force de m’éloigner de toi. Alors, comment pourrais-je te laisser me filer entre les doigts ?

J’eus droit à une bien faible résistance au départ, comme si elle ne supportait pas que je sois si prêt d’elle. Cela ne me surprit pas d’ailleurs, vu ce que je savais, vu ce qu’elle niait depuis plusieurs mois déjà. Je n’en fus que plus motivé, cependant, renforçant, sans rendre pour autant gênant le peu d’espace qui nous séparait. Puis, elle se fit docile, abandonnant pour le moment l’idée de me repousser et surtout de me faire payer mon trop grande ambition. Je la sentais perplexe, comme si des tas de choses complexes s’emboitaient dans son esprit pour devenir un énorme capharnaüm. J’étais conscient que notre situation, si elle progressait au-delà de mes espérances, serait difficile à gérer pour elle. Mais je ne m’en voulais pas vraiment de lui infliger cet ultimatum silencieux, de l’obliger, en une demande muette, de choisir. Il était temps, selon moi, qu’elle cesse de renier ses sentiments à mon égard, qu’elle s’éloigne de cette voie autodestructive. Or, dans mon empressement ou tout simplement dans ma propre ignorance, je précipitai les choses, me portant préjudice, lui offrant une échappatoire.

Je sentis le frisson qui parcourut son corps, tandis que je découvrais, avide, le goût de sa peau. Je savais qu’elle appréciait autant que moi ce que je lui faisais mais s’aurait été vendre la peau de l’ourse trop vite. Quand elle se tourna vers moi, me lançant ce regard amusé, je compris que je n’étais pas au bout de mes peine. Je dus me faire violence pour ne pas mordiller le doigt qu’elle venait de poser sur mes lèvres, afin de m’intimer le silence. Son refus ne fut pas douloureux, bien qu’il fut tranchant et sans équivoque, ce qui fut largement suffisant pour calmer - pas beaucoup, d’ailleurs - mes ardeurs. Comme un gentil animal domestique, je n’opposais aucune résistance lorsqu’elle défit mon étreinte. Je reculai aussi, juste d’un pas cependant, conscient qu’un peu d’espace lui permettrait de réfléchir plus aisément. Sa main passa derrière ma nuque, m’attirant vers elle et mon cœur s’emballa de plus belle à la seconde où se souffle frôla ma peau.

La phrase qui arriva à mes oreilles me désarçonna et je la laissai s’en aller, me quittant dans une sorte d’état second. Il ne me fallut que quelque secondes pour remettre mes idées en place et pour me mettre à sa poursuite. Comme elle pouvait être stupide de croire que je pouvais faire l’erreur de la comparer avec toutes celles que j’avais pu conquérir. Comment pouvait-elle imaginer que je serais assez inconscient pour oser la mettre dans la même catégorie que les autres ? Il fallait que je règle ce malentendu, avant qu’elle n’aille s’inventer d’autres hypothèses saugrenues. Ouvrant à mon tour la porte, je lui courus après, la rattrapant en quelques grandes enjambés, la dépassant même pour lui bloquer la routes. Imitant son geste de tout à l’heure, je posais mon doigt sur ses lèvres, l’invitant à garder le silence, tandis que, riant légèrement, je lui déclarai.

♠ Une simple femme… Tu penses vraiment que je te vois ainsi. Et bien, tu as une bien piètre image de toi, Mei. ♠

Je n’avais jamais su la considérer de la sorte et ce depuis le premier jour. Elle m’avait fait une si forte impression que je ne pouvais décemment pas la comparer à autrui. Elle ne s’en rendait peut-être pas compte, mais à mes yeux, elle n’avait pas d’égal. Ces femmes, malgré leurs atouts physiques et leurs grandes présences d’esprit, ne lui arrivaient pas à la cheville. Et je comptais bien lui expliquer cela sans détour. M’approchant d’elle, attirant doucement son visage vers le mien, mon regard azuré se faisait plus captivant encore que d’habitude. Nos lèvres se touchaient presque, bien que le désir en moi me poussaient à réclamer davantage que ce simple contact. Ma voix résonna de nouveau.

♠ Pourquoi ne pas me laisser apprendre avec toi, comment je dois traiter une déesse ? ♠

Oui. Mei avait atteint le statut de divinité, donnant une nouvelle dimension à notre étrange relation. Et le problème venait justement de là. En étant simplement sa possession, je pouvais encore supporter la distance qu’elle cherchait, en vain, à mettre en nous. Or, dans le rôle d’adorateur que je jouais désormais, l’aspect platonique qu’elle voulait conserver ne pouvait plus me satisfaire. Ne pouvant plus retenir davantage le désir qui me tiraillait de l’intérieur, mes lèvres emprisonnèrent les siennes dans un élan de fougue que je ne me connaissais pas encore.

You’re Driving Me Crazy…

Ambiance

How Can You Heal Me ?

Je la savais très cruelle mais je n'aurais jamais cru qu'elle aurait ou aller aussi loin. Dans mon élan, mon manque de contrôle je venais encore de lui laisser l'occasion de prendre le dessus sur moi. Alors que mes mots ricochaient sur sa carapace, mes lèvres eurent le don de la dérider un peu, bien que cela n'alla pas dans le bon sens. La suite des évènements me rappela que je n'avais pas encore la punition qu'elle me devait pour avoir désobéi. Je fus bien surpris quand elle m'attrapa le bras, ce qui ne m'empêcha pas de sublimer, comme à mon habitude la douleur qui m'étreignit par la suite. Bien que mon visage se heurta violemment contre le mur, malgré les saignements de mon nez brisé, je ne comptais pas riposter et encore moins me plaindre pour si peu. Malheureusement pour moi, ce n'était que le début de mon cchâtiment et alors qu'elle m'immobilisait, je soupirai. A genou, me demandant combien de temps allait durer ma torture cette fois-ci, j'attendis patiemment qu'elle décide de mon châtiment. Ne faisant pas attention à sa tirade, car j'avais du mal à croire que quelqu'un qui détestait l'affection avait failli m'étouffer en me serrant trop fort contre sa poitrine, je la laissai parler jusqu'à ce qu'elle ne soit convaincue de ce qu'elle disait.

Quel étrange sensation de déjà vu. Elle approcha soudainement ses lèvres de mon cou et je compris qu'elle comptait réitérer son nouveau rituel de dominatrice. La langue vint darder ma peau, me marquant une seconde fois, solidifiant l'idée qu'elle avait de notre relation. Elle était le maître et moi, le gentil loup de mer qu'elle tentait d'apprivoiser, avec pas mal de succès d'ailleurs. Lorsque qu'elle eut finit son manège, qu'elle fut contente d'elle, elle se releva et s'apprêtait à s'en aller, comme je l'avais dit plus. Elle me laissait tout seul à agoniser. Lui tournant le dos alors qu'elle me conseillait de faire attention à la différence entre nous, je n'entendis que le bruit de la porte quand elle sortit enfin. Le silence s'installa tandis que je regardait mon sang repeindre le mur de mon salon, me demandant si je devais avoir le courage de le nettoyer avant qu'il ne sèche. C'était certainement la meilleur solution. Affublé d'un chiffon mouillé et d'une éponge, je fis disparaître cette tâche avant de m'en retourner à ma chambre.

Je me laissai tomber sur ma couche, essayant d'ignorer, en vain son odeur qui embaumait désormais la pièce. Il ne me fallut que quelque secondes pour comprendre que je ne pourrais pas dormir ici avant un bon moment. Prenant quelques affaires, me décidant enfin à couvrir mon torse nu, cachant les deux lettres gravées dans ma chair, j'ouvris la fenêtre, pas seulement dans le but de faire passer l'air. Sautant au travers de cette dernière, je m'en allais alors que je venais à peine de me réveiller et que mes membres me lançaient encore. Avec un peu de chance, j'arriverais à Ame sans mourir de fatigue pensais-je alors que j'atterrissais lourdement sur le sol. Regardant la tour vers laquelle Mei se dirigeait sûrement à cet instant, une phrase sortit ma bouche, aussi doucement qu'un murmure.

♠ De quelle femme suis-je aller m'amouracher... ♠

Filant comme un voleur, sans demander mon reste, je pris la poudre d'escampette, me faufilant une nouvelle fois hors du pays de l'eau et ce sans aucune permission. De toute manière, j'étais déjà habitué aux conséquences qui m'attendrait au retour.