Le Ciel Rouge - Les loups grignottent

Il la trainait sans ménagement à travers le village, confiant en la direction qu’il suivait depuis plusieurs minutes dans les rues des environs. Ils étaient en plein centre-ville de Kumo, et Masahiro se faisait un devoir de mener la jeune femme qu’il trainait derrière lui à bon port, à savoir l’endroit précis qu’il cherchait en ce moment, bien connu de sa personne. Après que Mata eut fait part de sa bien évidente récupération des suites de son combat contre le Raikage, le loup blanc ne s’était bien évidemment pas fait prier pour donner suite à l’offre de temps alloué que la belle s’était permis de lui proposer. Mais étant donné le fait que la jeune femme n’était vêtue à ce moment que d’un ample drap sur sa voluptueuse silhouette – son précédent combat n’avait laissé de ses vêtements que des lambeaux -, un passage à la demeure Hari n’avait pas été du luxe. Aussi s’était il fait un devoir affirmé de mener la louve à la demeure en question, de laquelle ils étaient ensuite repartis illico une fois qu’elle eut pris la peine de se doucher (ahum) et de revêtir une tenue un peu plus apte à se promener en ville que le drap néanmoins fort gracieux dont elle s’entourait encore quelques moments plus tôt. Et maintenant, c’est avec énergie qu’il la trainait dans le quartier des restaurants du village, en direction d’un petit établissement bien connu de Masahiro.

Le Ciel Rouge était un restaurant dirigé par une famille reliée au clan Hari, tout simplement. Ce qui faisait qu’en sa qualité d’énergumène friand de bonne chère et de contacts humains, Masahiro n’avait tout simplement pas tardé à connaître un peu les propriétaires de l’endroit. En fait, pour donner quelques chiffres, il venait manger au moins quatre ou cinq fois par semaine dans cet endroit, autant grâce à la séduction qu’exerçait sur lui l’ambiance grivoise et pourtant si modeste de l’établissement, que par le simple fait qu’ils produisaient la meilleure bouffe aux yeux du loup blanc. C’était aussi simple. Le père, les deux fils et un neveu aux cuisines, la mère qui gère les affaires, la fille, une cousine et une tante comme dames accueillantes qui faisaient le service. Pas besoin de plus dans ce lieu pouvant tout juste contenir ses six cloisons, pouvant contenir elles-mêmes jusqu’à cinq personnes au mieux. Mais c’était ce qui faisait tout le charme de ce petit coin de paradis. Entrant avec énergie en repoussant le rideau de boules de bois qui servait également de signal pour désigner l’arrivée de clients, Masahiro balança le sourire qui était devenu son habitude avec le temps, saluant par le fait même la plus jeune des trois femmes qui venait de les rejoindre.

'' Bonjour, Hanae-chan! Alors, comment va le patron? ''

'' Bienvenue, Masahiro-dono! Le patron vous a fait réserver votre cloison habituelle. Ce sera comme d’habitude? ''

'' Ah nan, cette fois j’ai emmené quelqu’un avec moi! ''

Il désigna la jeune femme derrière lui en terminant sa phrase, causant un soudain élan d’entrain de la part de la belle Hanae. Cette fille devait sans doute faire le double de pourboire juste parce que les hommes la trouvaient réellement superbe. Et c’était justifié : elle était de ces filles tout juste à l’orée de la vingtaine récemment franchie, encore dotée d’une beauté innocente qui semblait rendre chacune de ses paroles…fleuries. Oui, c’était bien ça. Elle débordait d’entrain, tout simplement, et ça plaisait aux gens. Masahiro la connaissait depuis une dizaine d’années maintenant, et elle avait toujours été ainsi. Il eut par le fait même presque envie de rire lorsqu’elle s’inclina avec respect devant Mata. La voir si sérieuse, c’en était carrément comique. Il aurait d’ailleurs éclaté de rire sur place si elle avait fait pareil avec lui. Elle ignorait peut-être juste sa récente nomination à la tête des Hari en tant qu’Alpha, en fait. Mais ce n’était pas le genre de chose dont le loup blanc se souciait en ce moment. Conduisant sa compagne jusqu’à la cloison au fond de la salle, sur leur droite, Masahiro se contenta tout bonnement de s’écarter d’un mouvement naturel, tendant le bras en invitant la jeune femme à prendre place avec un sourire. Ouais, là c’était bien lui.

'' Alors, l’endroit te plaît? ''

Il n’y avait pas à dire, le jeune loup blanc appréciait à chaque seconde qui passait le fait que sa compagne de la soirée ait eu la bonne idée de se mettre en beauté pour cette petite sortie improvisée. Et visiblement, elle ne manquait pas de goût – et d’une certaine envie de faire baver les hommes devant lesquels elle passait – au vu des petits détails provoquant la jalousie qu’il avait senti de la part des autres mâles sur le chemin. À vrai dire, Masahiro avait même senti quelques regards menaçants se poser dans son dos alors qu’il marchait au bras de la femme qui faisait saliver la moitié des hommes de Kumo. Bah, ils avaient qu’à avoir du talent, c’était leur faute.

Et maintenant, alors qu’ils étaient tous deux finalement assis côtes à côtes dans une alcove privée du restaurant, le jeune homme appréciait de plus en plus ce qui se déroulait. Déjà, la simple atmosphère de l’établissement arrivait toujours à le faire sourire, tout bonnement. Une petite atmosphère chaleureuse et confortable comme on les aime. Et d’un autre point de vue… il avait curieusement apprécié ce qui lui semblait avoir été…comment dire… un élan de possessivité de la part de sa compagne? Le tout, simplement en s’emparant de sa main en la présence de Hanae au moment où cette dernière les avait accueillis. Ça aussi, c’en était carrément comique, mais il se fit un devoir de ne pas laisser paraître son amusement sur le sujet. Toutefois, Mata venait visiblement de retrouver sa petite habitude naissante la menant à titiller son homologue Alpha, alors qu’elle s’amusa à lui répéter le supplément à son nom, une marque de respect qui passa rapidement à une toute autre signification de par la voix légèrement moqueuse de la jeune femme. Phrase qui s’avéra rapidement suivie d’une autre signifiant l’apparente faim grandissante de la belle…ainsi qu’une demande de commentaire sur son précédent combat de la journée. Eh bah, elle passait au vif du sujet. Mais autant répondre au duo de questions dans l’ordre où elles étaient arrivées.

'' Pour la nourriture, l’établissement se spécialise dans les grillades et les fondues, alors tu devrais y trouver ton compte. Mais fais gaffe, ou ça te retomberas sur les fesses. '' La dernière phrase avait été prononcée avec un large sourire moqueur. Bah ouais, il avait bien le droit de lancer ses propres petites piques à l’occasion, non? Mais il allait falloir répondre à l’autre question, maintenant. '' Et pour ce qui est du combat… '' Il leva les yeux un moment, songeur, posant finalement sa tête sur son poing dressé depuis le coude qu’il avait appuyé sur la table. Le regard se baissa finalement vers Mata, paisible et bienveillant à souhait. '' Je dirais que tu t’est bien battue. Un peu spectaculaire pour quelques spectateurs, mais c’était un combat bien fait. ''

Voilà, il avait trouvé les bons mots pour décrire rapidement sa pensée. Quoiqu’en fait, même si jamais il avait trouvé qu’elle avait fait un combat de merde – ce qui n’était pas le cas en l’occurrence – , le dire à haute voix lui aurait sans doute valu un massacre. Et abîmer le restaurant, c’était pas quelque chose qu’il souhaitait faire. Pour le moment, il se contentait d’observer chaque courbe du visage de la jeune femme, constatant à chaque seconde qui passait que ce n’était pas pour rien que la majorité des hommes rêvaient d’elle dans leur sommeil. Elle avait effectivement de quoi laisser pantois le plus frigide des hommes, et sans grand mal. Lui-même n’avait aucune intention de prétendre résister sans mal au charme de la belle, c’aurait été un mensonge. Un putain de gros mensonge. Et puis, ça vaut toujours la peine d’admirer quelque chose de bien fait.

À moitié perdu dans ses pensées, Masahiro émergea de ces dernières lorsqu’un mouvement sur le rebord de leur cloison attira son attention. Ah tiens, c’était Taka. La tante. Un peu plus grande que la majorité des femmes – à peu près comme Mata, en fait -, elle ne faisait pas vraiment ses quelques quarante-six ans, ou un truc du genre. Tout comme la jeune Hanae, elle se faisait un devoir de démontrer une attitude chaleureuse que tout le monde adorait. Et juste pour qu’elle soit encore plus adorée, elle apportait la nourriture, en ce moment. Bah ouais, Masahiro n’avait jamais besoin de commander, vu qu’il prenait tout le temps les mêmes trucs. Il fallait juste espérer que la sélection de grillades en trois plateaux qu’il prenait généralement allait se révéler apte à satisfaire les goûts culinaires de la jeune femme à ses côtés. Il y avait là porc, bœuf, volaille, et presque une dizaine de sauces pour les viandes. Et ça, c’était ce que Masahiro prenait comme bouffe généralement, au retour de l’entraînement. Tout juste de quoi le satisfaire.

…..Bah quoi?

Les nouvelles allaient vite au village, comme les nuages poussés par un fort vent contraire. Le téléphone arabe, le bouche à oreille, tout était bon pour se mettre au courant et prévenir les autres. Plus l’information était de qualité, plus vite elle se diffusait. Et qui avait-il de mieux en termes de qualité qu’un combat entre le Raïkage et l’indomptable Alpha du clan Hari ? Au sens du jeune loup, rien. De toute manière, tout ce qui touchait de près ou de loin à sa sœur aînée l’intéressait toujours, même si dans se cas précis, il s’inquiétait plus qu’autre chose. Non pas qu’il doutait des capacités de Mata, cette idée ne lui frôlerait jamais l’esprit, mais la réputation de dirigeant de Kumo n’était plus à refaire. Il suffisait de le regarder pour savoir qu’il était capable de briser tout ce qui se dressait sur son chemin, comme il le faisait si souvent avec les murs ou les portes qu’il ne prenait pas la peine d’ouvrir ou de contourner.

Plusieurs genins et aspirants avaient été conviés au spectacle et contrairement à ce qu’on pensait, Tsuki avait préféré ne pas faire parti du public. Il se connaissait et ne se savait pas capable de rester de marbre devant ce que nombreux verraient comme un simple divertissement. Aussi, c’était ronger par l’inquiétude qu’il faisait les cents pas dans les appartements de sa sœur, tel un lion en cage. Attendre dans une pièce imprégnée de son odeur l’aidait à dénouer un peu le nœud qui l’empêchait d’avaler quoique ce soit depuis ce matin. Les heures passaient si lentement que le loup noir croyait être ici, à tourner en rond, depuis une éternité. Quand l’attente fut trop forte pour être supportable, sublimable, l’enfant sortit en trombe et alla se promener, en pensant que l’atmosphère humide de Kumo réussirait à lui aérer l’esprit. Mais c’était un acte bien vain.

Tout ce que les Hari avaient à la gueule aujourd’hui était le choc des titans qu’il avait eu lieu plus tôt dans la matinée. Et plus d’une fois dans les conversations, le fait que Mata ait été obligée de prendre sa forme animale avait été mentionné. Ben évidemment, personne n’omit le fait que la Raïkage garda le dessus tout le long du match et que la louve avait fini avec une patte brisée. L’humeur du jeune Hari devenait tellement sombre que les voix finissaient par devenir murmure sur son passage. Avait-on oublié qu’il était le petit frère de leur Alpha et que parler d’elle ainsi ne servait à rien, sinon à le mettre hors de lui ? L’enfant était tellement à cran qu’il pensait à sauter au cou du prochain qui émettrait un son en rapport avec l’affrontement de ce matin. Il allait justement s’exécuter quand son sens olfactif réagit à une fragrance familière. S’immobilisant net, humant l’air pour ne s’assurer que son esprit ne lui jouait pas des tours, Aoi afficha son premier sourire de la journée.

Suivant la piste de cette odeur enivrante, il arriva au seuil d’un des nombreux établissements de son clan. Il hésita un moment sur le pas de la porte, priant pour que tout ce qui avait été dit tout le long de la journée, puis entra, le cœur battant. Scrutant la salle, le loup noir ne vit pas la personne qui cherchait, ce qui eut le don de l’énerver. Quand l’une des serveuses vint lui proposer son aide, il ne lui offrit, en réponse à sa gentillesse, qu’un regard froid avant de la laisser paralysée à l’entrée. Suivant son flair, il se dirigea vers un coin plus éloigné, presque intime de l’établissement, où l’odeur de sa sœur était la plus intense. Quand il vit sa sœur, souriant, respirant la joie de vivre, Tsuki ne put retenir le bonheur qui venait de l’envahir. D’accord, il fallait aussi avouer que cela faisait un moment qu’il n’avait pas vu son aînée, mais c’était un détail insignifiant.


- Mata onee-chan !!

Comblant la courte distance qui les séparait en quelques gracieuses enjambées, il sauta au cou de sa sœur. Frottant son visage contre le sien, il émit un léger grondement, ressemblant beaucoup au ronronnement d’un félin. En l’espace de quelques secondes, il s’était retrouvé assis ses cuisses, – ce qui avait obligé la louve noire à décroiser les jambes –, comme un enfant sur celles de sa mère, les bras lui enserrant la taille. Ce contact avait fait disparaître tout la mauvaise humeur passée louveteau.

- J’ai trop flippé quand j’ai su que tu te battais avec le Yondaime. Encore un peu et je mourrais d’inquiétude. J’suis trop content que tu ne sois pas blessée. Alors qui à gagner ?

En ce qui concernait l’homme en face de sa sœur, Tsuki l’avait tout bonnement ignoré. Si, il l’avait remarqué, un peu comme un élément du décor que sa vision périphérique avait capté quand il avait déboulé dans la cloison isolé. D’ailleurs, ce seul coup d’œil avait suffit à le dégouter de celui qui avait l’honneur de converser avec son aînée. Il savait qui il était, s’il se fiait à la description que lui avait faite son père quelques jours auparavant, et ne voyait pas du tout l’utilité de lui montrer un quelconque intérêt.

Visiblement, une réponse sur le sujet du combat de la matinée même n’était plus à espérer, étant donné qu’ils venaient tous deux d’être rejoints par une sorte de forme floue et trépignant sur place alors qu’il s’était jeté à la manière d’un fauve sur la jeune femme. Quoiqu’en fait, et malgré le sourcil relevé qu’il présentait depuis la posture qu’il n’avait pas abandonné depuis la dernière fois où il avait ouvert la bouche, Masahiro ne pouvait que se douter que le tout était naturel en l’occurrence, étant donné le suffixe de ‘’onee-chan’’ qui avait suivi le prénom de Mata au moment où le gamin lui avait sauté au cou. Et puis, pour le peu qu’il savait de sa congénère, il se doutait bien que quelqu’un qu’elle ne connaissait pas intimement n’aurait eu droit qu’à une boutade à moitié violente en agissant de la sorte.

La réaction de la belle par la suite fut presque attendrissante de par l’affection manifeste qu’elle témoigna. Si bien que pendant un bref instant, le loup blanc se surprit lui-même à penser qu’il aurait bien aimé être à la place du jeunot en ce moment précis. Mais ce n’était pas encore son privilège, visiblement, et puis les liens familiaux du clan étaient plus que sacrés. C’était des liens fraternels qui unissaient tous les membres du clan, et encore plus lorsque de réels liens de sang directs unissaient certains. Quoique…pour ce qui était de l’amour fraternel, on repasserait sur un certain point. Car Masahiro venait de remarquer que le gosse faisait bien exprès de ne même pas lui accorder la moindre parcelle d’attention. Pas que ce genre de chose soit en mesure de déranger le jeune homme. En fait, ce genre de réaction l’amusait plus qu’autre chose. Après tout, être un nouveau chef de clan connu, doublé d’un mec qui redonne une nouvelle définition au principe de la sociabilité, ça en devenait tordant lorsqu’un gosse faisait exprès de l’ignorer. Quoi, il essayait de faire le même numéro que sa grande sœur la nuit précédente, en faisant son indifférent pour avoir du respect? Ça aurait pu être un bon plan, mais ce gamin n’avait ni la force de sa sœur, ni la même implacabilité, ni le corps de rêve. Alors c’était mal parti s’il voulait s’imposer en faisant son indépendant. Quoique…en fait, Masahiro était exactement comme lui, au même âge. Cette pensée fit naître un sourire sur les lèvres du loup blanc, alors que Mata venait tout juste de le citer. Sur cette petite déclaration, il se contenta de laisser sortir une phrase qui venait de monter de la plus naturelle des façons qui soit.

'' Ton frère veut manger avec nous? ''

Bah ouais, pourquoi pas? Après tout, il commençait à habiter sous le même toit que Mata, mais elle n’était pas la seule Hari dont il devrait se soucier non plus, à partir de maintenant. Et honnêtement, tenter d’avoir des bonnes relations avec la…belle-famille – ce terme laissa une impression étrange au jeune homme - se révélait souvent une chose bien importante et très utile à long terme à accomplir. Après tout, la force d’un chef se mesure bien souvent au respect que lui vouent ceux qu’il dirige, non? Alors autant se mettre en de bons termes avec les individus qu’il allait côtoyer plus étroitement dans l’immédiat. Le petit frère de Mata, en l’occurrence.

'' Même si je vaut apparemment pas encore de connaître ton nom, moi c’est Masahiro. Heureux de te rencontrer, petit. ''

La phrase avait été prononcé avec un naturel total, un large sourire étalé sur le visage du loup blanc. De nombreuses personnes avaient toujours eu du mal à saisir comment il pouvait avoir l’air si sincère dans la vie de tous les jours, même avec les personnes qui ne lui envoyaient que de la merde en guise de réponse. Au moins, lui il avait le mérite d’avoir été sympathique, alors tant pis pour les types qui ne savaient pas l’apprécier. C’était sa façon d’être, tout bonnement. Pourquoi s’énerver contre un gosse, alors qu’on peut tenter de s’en faire un pote? Y a pas d’âge pour ça, après tout. Et puis bon…ça ferait peut-être bonne impression sur la grande sœur du gosse en question, qui sait. Ça aussi, ça vaut son pesant d’or.

Toute l'attension du louveteau était monopolisée par sa sœur. Qu’il le voulait ou non, le second Alpha allait devoir attendre avant que Tsuki ne s’occupe de lui. Malheureusement, il était difficile d’ignorer quelqu’un qui vous fixait avec tant d’attention. Cela devenait tellement dérangeant que le louveteau ne pouvait pas profiter pleinement de l’affection que lui témoignait sa sœur. Sœur qui justement lui fit une remarque assez désobligeante à propos d’un manque de politesse dont il faisait preuve. L’enfant laissa filer le commentaire et fit comme s’il n’avait rien entendu, ce qui était rare, vu que 99% du temps, il ne contredisait jamais Mata. Mais bon, il était plus que temps d’affronter la bête, de prendre le taureau par les cornes, comme on disait si souvent.

Se tournant vers son nouvel interlocuteur, Aoi le dévisagea froidement, tout ceci sans descendre de son perchoir. Oui, il arrivait, des fois, que notre jeune ami s’entiche ou se mette à dos des gens sans raisons. Ici, les raisons étaient nombreuses. Déjà, le titre d’Alpha lui revenait de droit, donc le dénommé Masahiro passait pour une sorte d’usurpateur, à ses yeux. Mais le Hari laissait couler vu qu’il savait qu’il n’avait pas l’âme d’un leader ; il avait déjà bien trop de mal à s’occuper de lui-même, alors un clan ! C’était peine perdue. Deuxièmement, le jeune loup avait l’impression qu’on lui volait sa sœur de cette manière et il n’aimait pas ça du tout. Il avait toujours été avec Mata, et ce malgré l’animosité première qu’elle avait montré à son égard dans leur enfance. Depuis qu’il avait renoncé au titre d’Alpha, ses parents avaient tendance à souvent le montrer du doigt –d’accord, c’était souvent justifié – et son aînée prenait toujours son partie, même si elle l’engueulait souvent aux sujets des escapades nocturnes et des longues disparitions. Et pour finir, le louveteau détestait tout bonnement tout ce qui avait un rapport, ne serait-ce qu’infime, avec la restriction. Alpha, soumis, il s’en foutait comme de son premier os en plastoche, il respectait ceux qu’il considérait digne de respect et les autres… ben ils n’existaient tout simplement pas.

Ses yeux gris, dans lesquelles un feu bleu brulait, devinrent plus froids encore quand il entendit la voix du loup blanc. Pourquoi Tsuki avait la mauvaise impression que tout ce que l’égal de sa sœur –le seul fait de penser ainsi lui donnait envie de gerber – disait n’était que dans l’unique but de s’attirer les bonnes faveurs de cette dernière ? De toute manière qu’il le voulait ou non, le loup noir avait bel et bien l’intension de s’inviter, même si l’idée de bouffer en face de ce ‘‘Ken’’ version poilu lui coupait franchement l’appétit. Anticipant la demande de sa grande sœur, la voix du louveteau s’éleva doucement, un peu rauque. Malgré ses efforts, pas très enthousiastes en fait, son ton transpirait le dédain qu’il ressentait, même s’il avait réussi à rendre sa posture et l’expression de son visage plus neutre.

- Je sais très bien qui tu es, Blanche Neige.

Si l’écharpe surdimensionnée qu’il avait autour du coup ne cachait pas aussi bien sa bouche, son souriant interlocuteur se serait rendu compte qu’il avait les dents tellement serrées qu’on aurait pu les entendre grincer.