Wolfen Crest - Dream Way [Solo]

Les complexes, pire que des parasites, avaient le dérangeant don de tuer la vie de quelqu’un à petit feu. C’était ce qui arrivait au fils du couple alpha du clan Hari. Il souffrait de son complexe, en venait à se détester, à se mutiler. Il croyait avoir accepté ce qu’il était, mais sa dernière rencontre lui avait fait comprendre que tout ce qu’il avait accompli jusqu’au jour d’aujourd’hui n’avait aucune consistance. Depuis ces quatre ans, il n’avait fait que fuir sa bête, se fuir lui-même et ainsi négliger toute sa famille. Soudain, une tonne d’affirmations lui bombardèrent l’esprit, toutes plus douloureuses les unes que les autres. Tsuki comprit qu’en plus de s’autodétruire de la sorte, il avait fait ce qu’il détestait le plus chez les autres. Le mensonge, l’hypocrisie, tous ces défauts et bien d’autres qui ne lui revenaient pas pour le moment, s’étaient réincarnés en lui ce fameux jour. Il était inutile de rejeter la faute sur Mata, car il était conscient ce que c’était un nouveau mensonge qu’il composerait pour se sentir mieux et il était incapable d’haïr sa sœur, qu’importe le sujet. Le jeune loup devait faire face à ce problème comme l’adulte qu’il était, soit seul avec son animal totem.

Il venait à peine de quitter son pseudo camarade de classe. Le gout de la peur qu’il lui avait inspiré se trouvait encore sur sa bouche et à chaque fois qu’il déglutissait, l’amertume se faisait ressentir dans sa salive. Le jeune loup avait couru sans s’arrêter, sans se préoccuper du lieu où ses pas le mèneraient. Hors d’haleine, le souffle haché et irrégulier, sa vitesse finit par chuter jusqu’à être inexistante. Il venait de s’arrêter. Son esprit était bien trop confus pour le permettre de réfléchir correctement. Aussi, Aoi se laissa tomber sur le sol frais, priant pour que la vu du ciel étoilé puisse apaiser son âme tourmentée. Ici, aux plaines foudroyantes, à cette heure de la nuit, la terre avait cette couleur brunâtre tout aussi envoutante que l’océan ambré qui était visible de jour. Mais à peine sa tête eut-elle touché le sol, le jeune Hari s’en mordit la langue. La lune, pleine et argenté, le fixait avec une intensité hypnotique, comme si elle était vivante et réprimandait son fils pour tous ses actes passés. Au lieu de se sentir mieux, une vague de désarroi envahit l’enfant lune qui, malgré ce sentiment brûlant, ne pouvait détourner son regard de l’autorité qui le surplombait.

*Mais qu’ai-je fait de si mal pour que tu me punisses de la sorte, Mère ?* pensa le jeune homme avant de se laisser une nouvelle fois toucher par l’opium soporifique de Morphée.

Quand le loupiot ouvrit les yeux, sa première pensée fut : « Il ne fait pas si noir d’habitude dans ma chambre… ». Quand, ensuite, par petits bouts, ses souvenirs de la nuit lui revenaient, floues, brumeux, douloureux. Un dégout profond le consuma en quelques secondes, emportant les lambeaux de son cœur brisé. Alors, les ténèbres qui l’enveloppaient devinrent un détail insignifiant, tout le comme le chant mélodieux qu’il entendait au loin. Il s’immobilisa. Quel était ce chant qui pourfendait tout ce noir qui entourait le loup mais surtout pourquoi les notes de cette voix lui étaient-elles si familières ? Les larmes avaient commencé à parler au coin de ses yeux argent mais n’avaient plus de raison de couler le long de ses joues. Cet appel rassurait le jeune Hari, comme si c’était un ami, sa sœur, une personne de confiance qui l’appelait pour le consoler. Sans savoir pourquoi, il demanda à voix haute, comme s’il était certain qu’on répondrait à son interrogation.

- Tu veux que je vienne ?

Le chant s’estompa et le silence accentua étrangement les ténèbres qui étaient omniprésentes, oppressantes. Cette absence de son stressa le jeune loup qui, généralement adorait écouter le silence et ne craignait pas le noir. Mais la réponse vint, un hurlement qui résonna encore et encore, comme si ses échos ne s’estomperaient jamais.

- Mais comment faire ?

Oui, il avait comprit la signification de ce cri strident mais ne savait pas comment avancer quand il ne se voyait même pas lui-même. Tsuki fut tout de même surpris par la tournure assez surprenante des évènements et un « wow » admiratif ne put s’empêcher de sortir de ses lèvres mi-closes. L’enfant loup se doutait depuis un moment qu’il rêvait, même si la véracité des choses semblait difficile à nier. Apparut alors devant le paysage dans lequel il s’était endormi, chose dont il commençait sérieusement à douter. Tout était là cependant ; la mer couleur brune qui s’étendait à perte de vue, le ciel bleu nuit parsemé d’étoiles scintillantes et la pleine lune éclairant ce lieu onirique. Seul ce chant, qui avait été reprit, différait du lieu que le jeune homme avait laissé en fermant les paupières. Mais s’il ne savait pas qui ou quoi hurlait cette mélancolique mélodie, la puissance croissante de l’intonation indiquait clairement que l’individu s’approchait. Ao se figea quand une ombre flou apparut à l’horizon, car même à cette distance, elle semblait assez imposante.

*Pourquoi ne puis-je pas avoir des songes ordinaires comme tous mes pairs ? Est-ce trop demander, de la normalité ?*
*Qu’est ce que la normalité pour toi, enfant de la lune ?*

Les muscles du loup se bandèrent sous l’effet de la surprise, car entendre une voix dans sa tête était totalement surnaturel, surtout quand elle était si commune, si familière. Alors la forme se fixa et l’enfant put reconnaitre un loup, aussi grand que lui, d’un pelage aussi sombre que ses cheveux ne l’étaient. Aussi, il adopta une posture défensive, mais resta perplexe en voyant l’animal l’imiter. Ce fut ainsi qu’un détail le frappa. Le loup avait des yeux argentés semblables aux siens, avec une légère touche bleuté que même la lueur de l’astre de la nuit arriva tant bien que mal à révéler. Effrayé, le Hari posa une question dont il paraissait connaître parfaitement la réponse. Une réponse qui expliquait pourquoi il avait entendu la voix de l’animal dans son esprit.

- Qu’es-tu ?

*Je suis toi, je suis ton loup…*

Tsuki aurait préféré entendre quelque chose du genre : « Je suis le fruit de ton subconscient. » ou quelque chose de plus farfelu encore. Mais il ne pouvait pas accepter l’idée que son animal totem ait prit possession de ses rêves pour lui faire la gueule. Et pourtant c’était si vrai, toutes les preuves physiques ou plutôt métaphysiques étaient présentes. Un pelage aussi noir que les cheveux de l’enfant, des yeux aux mêmes teintes étrangement fascinantes d’où se reflétait un ennui tellement familier. Poussant un long soupir, exaspéré que rien de vienne nier cette dérangeante vérité, le jeune Hari fut obligé d’admettre ce qui se passait sous ses yeux. Se massant les tempes à l’aide de son majeur et son annuaire, l’enfant respira un bon coup avant d’ouvrir les yeux qui avaient fermé en posant sa question. Quelque part, il espérait, priait même pour que l’animal ait disparut, comme par enchantement.

Mais quand une journée avait mal commencé, il y avait-il une chance pour que cela s’arrange ? Bien évidemment que non. Aoi fixait son loup, son lui animal, en se demandant comment un corps humain et un corps de bête pouvait tant se ressembler. Il s’assit, se gratta derrière l’oreille, une mimique qu’il faisait quand il était confus, déconcerté et fut surpris de voir la bête l’imiter. Cette impression de se voir dans un miroir qui aurait la pouvoir de révéler ne faisait qu’irriter davantage le fils de la lune. Cette irritation énervait le loup noir qui n’aimait la sensation d’être rejeté par son égal, d’une certaine manière. Cet échange de sentiments pourrait paraître tellement comique de l’extérieur, mais la tension entre les deux protagonistes était loin d’être aussi drôle. Soudainement, l’enfant loup sursauta, ne se faisant pas à l’idée que l’animal en face de lui, en plus d’être une partie de lui, pouvait parler dans sa tête.

*Tu n’as pas répondu à ma question, tu sais. Pour toi, c’est quoi la normalité ?*

Toute irritation avait disparut sur le visage du canidé, pour faire place à la petite lueur qui illuminait généralement les yeux du jeune Hari quand il trouvait quelque chose d’intéressant. Et à nouveau l’expression, et de l’homme et de l’animal, s’accordait, montrant la perplexité et l’intense réflexion qui faisait bouillonner les neurones des deux entités présentes. Quand la réponse lui apparut clairement, Ao parut encore plus confus qu’au moment où il avait vu le loup arriver.

- Je ne sais pas…

La réponse du jeune homme fit sourire le loup qui se leva et s’avança vers sa partie humaine. Du bout de la truffe, il lui caressa la joue avant de se laisser tomber à ses pieds, la tête sur les cuisses du garçon. Tsuki fut désarçonné par si peu de formalité, mais ne put décemment pas repoussé son animal totem. Il l’avait fui si souvent, pour ne causer que des souffrances et se tuer à petit feu. Pour une fois, il se dit qu’il ne mourrait pas s’il s’accrochait un peu à sa partie animale, s’il l’assumait entièrement. Levant une main tremblante, il la passa dans le pelage du loup lover contre lui et adora la douceur de son poil, qui encore en fois était similaire à celle de ses cheveux. Quand la bête s’exprima cette fois-ci, l’enfant ne sursauta pas, comme s’il avait senti le contact, la connexion se faire dans sa tête.

*La normalité n’existe pas vraiment dans ce monde. Pour certains, et cela est bien triste, tu seras un monstre, pour d’autres, tu seras extraordinaire, presque divin. Mais pour les tien, tu es normal. Et pour moi, tu es unique…*

Si la confession n’arracha pas des larmes à Aoi, il en fut quand même touché. Les paroles du loup étaient d’une telle justesse que l’enfant en venait à se demander comment il avait fait pour ne jamais avoir pensé à tout cela par lui-même. Mais pire, il se sentit coupable, d’avoir rejeté si longtemps son animal alors qu’il était surement le seul à le comprendre parfaitement. Le jeune Hari ne put retenir un élan d’affection et serra le canidé contre lui, toute peur envolée…

L’étreinte fut longue, à un point qu’on aurait pu la qualifier d’éternelle. Le loup et l’enfant ne se lassaient pas de la chaleur qui se dégageait de se contact, se sentant mutuellement. Tsuki emplissait ses narines de cette odeur où se mélangeait harmonieusement le musc, la terre et de mousse. L’animal se redressa légèrement pour fourrer son museau sous la gorge du garçon, sachant pertinemment ce qui se cachait sous la laine rouge. Au-delà de ce fait, le canidé sentait tout, le pouls battant au creux de la gorge du jeune homme, le sang qui circulait sous sa peau, cette peau qui avait elle-même une fragrance hors du commun. Puis, comme s’il voulait que son hôte soit débarrassé de tout complexe, le loup aux yeux d’argent prit l’écharpe entre ses crocs et tira légèrement dessus. Le Hari comprit ce que voulait faire son animal totem et, ne se faisant pas prier davantage, dénoua le nœud qui maintenait la laine rouge autour de son cou. Le loup la renifla, laissa un grondement l’échapper pour finir par montrer sa gorge.

- Toi, aussi, tu en une, Gin,dit-il avant de reprendre pour effacer l’air perplexe qui s’était affiché sur le visage de son animal. Il faut bien nous différencier. Moi, je serais Tsuki, toi, tu seras Gin. Tous les deux uniques.

Gin, de son nouveau nom, semblait peser le pour et le contre de cette révélation, avant d’afficher une mine aussi réjouie qu’Aoi. Le fait que l’enfant le nomme signifiait pour lui qu’il était reconnu comme partie intégrante de lui et qu’il était accepté. Le jeune Hari voulut tout de même vérifier ses allégations et toucha à son tour la gorge du loup, comme s’il le caressait. En jouant dans son poil, il remarqua en effet une partie à la fois rugueuse et lisse que son pelage touffu dissimulait sans grande peine. Le fils de la lune ne cessait de s’étonner devant les similitudes qui l’unissaient avec son camarade à quatre pattes, mais cette ressemblance l’emplissait d’une telle joie. Il se sentait comprit pour la première fois depuis longtemps. Puis le jeune garçon se leva, d’un bon et se tourna vers le loup qui l’avait imité avec une synchronisation époustouflante.

Alors que l’enfant loup s’apprêtait à ouvrir la bouche, le canidé le devança et fit résonner le son rauque de sa voix dans la tête du louveteau.

*Ce fut un plaisir d’avoir pu discuter avec toi, Ao-chan… Je sais ce que je voulais savoir, mon rôle est fini. Mais ne t’inquiète pas, en cas de pépin, tu sais où me trouver !*

Ao avait faisait toujours la moue quand on l’appelait ainsi, mais il laissa passer pour cette fois. Le loup eut un sourire face à l’effort de son hôte pour ne pas rouspéter mais s’en tint à cette seule taquinerie. Ensuite, tout ce qui suivit alla tellement vite qu’à son réveil, le loupiot de Kumo ne savait même pas où il se trouvait. En un bon, Gin sauta sur le garçon, pour se fondre avec le corps humain de son hôte. Aussitôt, tout redevint sombre, les ténèbres, que le canidé au pelage noir avait dissipées, avaient repris leur place. Jusqu’à ce qu’une sensation étrange réveille vraiment l’enfant lune. Un froid mordant, un son de clapotis. Quand il ouvrit les yeux, il était à nouveau dans la plaine, couché sous la pluie battante, trempé jusqu’à la moelle de ses os, avec une migraine infernale.

*Yume ?*

Oui… Il était encore incapable de savoir s’il avait rêvé ou si tout s’était réellement produit. Les deux options avaient des probabilités égales, donc il préféra s’accrocher à l’idée qu’il avait été victime d’une sorte de somnambulisme passif. Quand il se redressa, il constata que son écharpe n’était plus à son cou, mais mollement posée sur ses genoux. Il ne préféra pas tirer de conclusion de ce fait et leva le nez au ciel. Malgré la pluie, le loup noir savait que l’astre solaire avait pris place dans le ciel depuis un moment, ce qui voulait dire qu’il avait encore découché. Se grattant derrière l’oreille, un soupir blasé sortir de sa bouche entre-ouverte. L’eau de pluie avait collé ses mèches sur son front et dégoulinait le long de son visage. Après un moment de réflexion, il se leva d’un bon, pour se rendre compte qu’il défaillait. Il passa sa main au niveau de sa gorge, tendit que l’autre tenait le mètre et demi de laine couleur sang.

- Soit je me suis cogné en m’endormant, soit mon équilibre est vraiment atteint quand je ne la porte pas…

Ne voulant pas avoir à tester plus longtemps l’hypothèse que le cadeau d’enfance que lui avait fait sa sœur était devenu une expansion de lui, Tsuki remit l’écharpe à son cou et entreprit de rentrer chez lui. D’abord, il devait allez rassurer ses parents, ensuite faire un tour aux pavillons des alphas pour rendre visite à sa sœur. Elle était partie et la manquait terriblement. Il espérait vraiment qu’elle était de retour. De plus, maintenant, il n’aurait plus mal en la voyant, puisqu’ils étaient pareils. Cette journée venait définitivement de bien commencer.