Deux flammes valent mieux qu'une

Le journée ne pouvait pas plus bien commencer. Sortant tout droit des appartements de son père adoptif, G venait de recevoir, comme toujours, des félicitations pour les efforts qu’il montrait dans sa carrière de ninja. Il était vrai qu’il s’était pas mal laissé aller ses dernières années et avait bien plus passé son temps à causer des problèmes. Mais son but principal du moment était devenu une réalité qu’il pouvait embrasser son aucune retenue. Cependant, le pyromane ne comptait pas se contenter de si peu. Être chuunin n’était que le commencement de sa progression, de son ascension dans le village. Relâcher ses efforts ne faisait pas partie du programme qui le mènerait vers le sommet d’où personne ne le détrônerait. L’Hokage pouvait bien chauffer son siège tant qu’il voulait, car son successeur était déjà prêt à prendre la relève. Le sixième dirigeant du village de la feuille serait un Sarutobi.

Bref, trêves de bavardages. Le chemin était encore long et pour l’heure, le plus important était de fêter cette petite victoire personnelle. Il voulait que tout l’arbre du pays du feu sache que sa flamme la plus ardente venait encore de bruler une étape. Marchant à grands pas dans les rues bondées, il sifflotait, cigare en bouche. La finesse de la cigarette ne convenait pas à l’ampleur de l’événement. Il lui fallait plus gros, plus fort, plus corsé. Et pour accompagner sa mortelle douceur du jour, rien de mieux qu’un bon petit plat chez Ichikaru. Le maître du feu se dirigeait d’ailleurs vers son établissement fétiche pour déguster une spécialité que le vieil homme avait du créer rien que pour lui. Sa chevelure flamboyante progressant à vive allure du chaos de la partie commerciale de Konoha, G fut bientôt en mesure de sentir le fumet alléchant du bœuf et des nouilles. Brûlant d’impatience, il finit par combler les derniers mètres qui le séparaient du restaurant au pas de course. Ouvrant la porte de l’établissement d’un coup de pied, il fit tourner tous les regards vers lui.

- G-san, je t’ai déjà dit d’entrer plus calmement dans mon restaurant.

Ichiraku, le propriétaire et meilleur cuisinier de tout le pays du feu, soupira devant l’entrée brutale du Sarutobi. Le vieil homme était habitué aux manières un peu brusques du jeune homme tatoué. Et même s’il payait toujours ce qu’il brisait, devoir refaire sa porte d’entrée était un passe-temps qu’il n’appréciait pas vraiment. Se grattant la tête, l’air pas du tout gênée, le chuunin de la feuille s’approcha du comptoir et s’assis le sourire aux lèvres.

- Toujours aussi chaud, à ce que je vois.
- Ouais, comme la braise! Tu sais ce que je prends.
- Je te sers tout de suite, la flèche.

Le vieil homme s’en retourna à ses fourneaux, préparant déjà les épices explosives que le pyromane aimait à s’en enflammer le palet. Ce dernier justement fit volte face sur son tabouret, se tournant vers les autres consommateurs, dont un nombre non négligeable faisait partie de ses connaissances. Sa voix chaleureuse s’éleva, suivie par l’approbation des personnes envers son annonce.

- Aujourd’hui, c’est ma tournée.

Quel meilleur moyen de partager sa bonne humeur, rare qui plus est, qu’en offrant un bon plat aux villageois présent dans le restaurant. Après tout, un peu de générosité, parfois, ne tue personne et la flamme éternelle de l’archer ne s’éteindrait pas si peu.

S’installant confortablement au comptoir, où un verre et un bouteille de saké vinrent vite le rejoindre, le jeune homme attendit patiemment sa commande. Derrière lui, les bruits de contentement des autres consommateurs résonnaient toujours, la nouvelle de la tournée qu’il payait à tous réjouissant toujours les cœurs. Entouré de toute cette joyeuse atmosphère, G ne remarqua même pas son compatriote s’assoir à ses côtés. Il ne fut pas pour autant surpris quand, tournant la tête pour voir s’il voyait l’une de ses habituelles charmantes amies, il vit un homme, qu‘il surplombait par sa taille, lever son verre en son honneur. Sur le coup, il l’imita bêtement et retourna à l’allégresse du moment. Il sirota à petites gorgées le liquide translucide mais fort en arôme qui trônait dans son verre, attendant patiemment le plat qu’il avait l’habitude de déguster. Les minutes passaient lentement et le pyromane tapait du doigt une mélodie qu’il fredonnait dans son esprit.

Le temps se faisant long, l’archer reporta son attention sur l’homme à la longue chevelure d’ébène assis à ses côtés. Ses traits ne lui étaient pas inconnus mais il avait beau fouiller dans sa mémoire, il ne pouvait mettre un nom sur ce visage. Le Sarutobi passa tous ses souvenirs au peigne fin, remontant très loin dans le passé. Commençant par le début, il tenta de se souvenir de ces compagnons de jeu quand il n’était pas plus haut que trois pommes. Mais tout ce qui lui revint à l’esprit fut les bagarres dont il ressortait pas mal amoché vu qu’il s’attaquait souvent à plus grand et plus fort que lui. Puis il arriva aux fameuses années passées à l’académie. Or, cette période ne contenait pas non plus d’évènements dignes d’être ravivés. Ses réminiscences le conduisirent à un temps révolu il n’y avait pas si longtemps : l’équipe 4. Dans ce cas précis, malgré le peu de temps qui s’était écoulé depuis, sa mémoire lui fit défaut. Pourtant plus l’archer examinait son comparse, plus sa tête lui semblait familière.

C’est alors qu’Ichiraku arriva avec les commandes des deux shinobis de la feuille. En déposant le bol anormalement grand de nouilles devant le pyromane, le gérant de l’échoppe remarqua l’intérêt qu’il portait à son semblable. Dévisageant les deux hommes l’un après l’autre, il finit par demander au fils d‘Agane:

- Vous vous connaissez?
- Sûrement! Mais que l’enfer soit gelé parce que j’suis incapable de te dire d’où j’le connais.

Le vieil homme rit aux paroles de G, qui avait toujours l’habitude de tout ramener le feu et la glace dans ses propos. Se tournant vers le jeune homme, il espérait que ce dernier aurait une mémoire visuelle moins défaillante que la sienne. Ainsi, il pourrait sans mal combler les lacunes qui l’empêchaient de trouver le nom de son confrère ninja. Enfin, c’était ce qu’il aurait fait s’il n’avait pas été aussi impatient. Se tournant vers l’homme, lui tendant une main amicale, il finit par lui dire:

- Je ne me souviens pas de ton nom, mais je te connais, c’est certain. Alors refaisons connaissance. Moi, c’est G et toi?

Spoiler:

Perdu dans ses pensées, le Nara n’avait pas tout de suite remarqué l’attention que lui portait son congénère. À quoi pouvait-il penser? Certainement au plat qu’il attendait tant, comme la majeure partie des personnes ici. Quoiqu’il en soit, l’homme à la chevelure ébène sortit bien assez tôt de ses rêveries pour se rendre compte qu’on parlait de lui. G sentit son regard peser sur lui tandis qu’il conversait à voix basse avec Ichiraku. Mais il fut content de voir qu’il n’était pas le seul dans un état d’incertitude. Par la suite, devant l’énumération des nombreux endroits où il avait eu l’occasion de se croiser, le pyromane poussa un soupir. Si jeune et faire preuve d’aussi peu de mémoire, c’était presque impardonnable. Soulagé maintenant qu’il avait rattrapé cet oubli, il s’en retourna à son plat, imité par le jeune Nara.

Du coin de l’oreille, il l’entendit s’extasier aussi devant la saveur inchangé de son met favori. Il fallait dire que le gérant était le meilleur dans sa discipline et qu’il ne cessait de renouveler son savoir. Il était semblable à un ninja, à sa manière. Ne se reposant jamais sur ses acquis, dépassant toujours ses limites, au grand plaisir de ses fidèles clients. Alors qu’il buvait une gorgé de cette eau de vie qu’était le saké, un bruit de verrerie brisée retentit. Ne faisant pas attention à cette nouvelle bagarre qui prenait naissance, le shinobi de la feuille continua la dégustation de son plat épicé. Il était bien trop joyeux pour laisser un idiot qui avait abusé de la bouteille gâcher son petit moment de bonheur. Et puis, à ce qu’il entendait, des personnes se portaient déjà volontaires pour calmer le trouble-fait. S’enfermant dans son petit monde, il ignora la suite des évènements. Tôt ou tard, la police viendrait faire son travail et mettrait sous les barreaux l’inconscient qui osait faire tant de raffut dans un lieu publique. Enfin si elle arrivait à temps.

Un nouveau bruit de verre cassé se fit entendre. Immobile, assis sur son tabouret, le Sarutobi finit d’avaler les nouilles qu’il avait dans la bouche. Par la suite, d’un mouvement lent et nonchalant, il leva la main vers l’arrière de son crâne. Ses mèches rouges étaient mouillées et empestait l’alcool mais ce n’était qu’un détail. Quand il ramena son membre afin d’inspecter les dégâts, sûrement mineurs, qu’il avait subi, il remarqua le liquide vermeil qui coulait le long de ses doigts. Apparemment, l’impact avait été assez puissant pour que quelques bouts de verre l’entaille légèrement. En conclusion, il saignait… Ce qui suivit était donc tout à fait inévitable. Son poing se referma et tapa le comptoir, faisant sauter le bol en face de lui. Son corps fut prit de léger tremblements, signe annonciateur de la catastrophe qui allait suivre. Ichiraku ne leva même pas les yeux de la vaisselle qu’il essuyait, sachant très bien qu’il ne pourrait aucunement stopper les évènements à venir. Il priait simplement pour qu’il n’y ait aucun dommage matériel dans son établissement. Le pyromane prit son silence pour une autorisation et se leva. Se tournant en enlevant les restes de la bouteille qui encombrait son chevelure de feu, il posa un regard furax sur le coupable. L’homme, encore trop saoul pour comprendre qu’il devait fuir, s’enhardit et continua à lancer juron sur juron.

- Qu’est-ce qu’il y a, bâtard? T’avais qu’à pas te trouver sur…
- Gladius!!

Ce fut l’étincelle qui mit le feu au baril de poudre. Le traiter de bâtard dans une situation où il serait capable d’incendié la ville avant de se calmer, c’était l’erreur à ne pas faire. Baissant le bras vers le bas, traçant une courbe la main, une ligne de chakra se dessina après le passage de sa main vengeresse. Attrapant ce qui avait tout l’air d’être un arc, il tendit la ligne, faisant apparaître dans ce même mouvement une flèche bleutée. Ce qui se passa fut bien trop rapide pour qu’on en saisisse la beauté. Mais la saoulard se retrouva scotché au mur de l’établissement, des flèches de chakra le maintenant bien en place. L’arc disparut aussi subtilement qu’il était apparut tandis que le flambeur posait ses consignes.

- Si tu bouges encore, ne serait-ce qu’un cil, la prochaine flèche, elle te transpercera le cœur.

Reportant son attention sur son bol, il posa la main sur la porcelaine, dans l’optique de réchauffer le bouillon qui avait refroidit pendant ce petit règlement de compte. Une nouvelle démonstration du tempérament enflammé du jeune tatoué venait d'être joué sous les yeux ébahis des autres clients.

Assis sur son tabouret, ignorant le combat qui se déroulait, G eut à peine le temps de remarquer le Nara qui tentait vainement d’intercepter la bouteille qui s’écrasa sur son crâne. Et ce dernier, conscient que la suite des évènements allait vite devenir intéressante, ne vint mettre son grain de sel qu’à la fin de l’altercation. Il resta un bon moment, bouché bée devant la technique du jeune chuunin, contemplant la facilité avec laquelle il maîtrisait son chakra et surtout la manière surprenante dont il s’en servait. Après tout, c’était une exclusivité dans le monde des ninjas. À la base, les archers n’étaient pas des combattants de première ligne, comme l’était la flèche de Konoha. À lui seul, il innovait plusieurs domaines, montrant à la fois le manque d’imagination et la stupidité de certains. Beaucoup trouvaient cela dommage que le sang du clan célèbres pour son défunt Kage ne coulait pas vraiment dans ses veines, car c’était une explication tout à fait plausible de ses qualités en tant que shinobi.

Le pyromane était retourné à sa place et ne s’occupait plus de l’homme cloué au mur, comme le christ sur sa croix. S’affairant à réchauffer son bol sans rendre les nouilles gluantes, il écoutait tout de même ce qui ce passait dans son dos. Cela aurait été le comble si une seconde bouteille avait, comme par magie, choisi de se fracasser une nouvelle fois sur le sommet de sa tête. Une fois son plat chaud, il reprit sa dégustation, tout en demandant à Ichiraku de lui resservir la même chose. Pendant ce temps, son compatriote avait fini d’effrayer le saoulard en lui coupant une mèche, insistant bien sur le fait qu’il s’était avéré chanceux. Quand il revint à sa place, le gérant avait déjà servi un nouveau bol de nouille au flamboyant shinobi, tout le remerciant de s’être contenu. Il était vrai que son tempérament avait tendance à lui faire oublier l’architecture qui l’entourait une fois qu’il entrait dans sa folie vengeresse. Entamant son nouveau plat, tout en remarquant l’ambiance un peu refroidit, le chuunin resta calme et silencieux, ignorant les murmures qui parlaient sûrement de lui.

Les minutes passèrent et la joie revint dans la petite échoppe, l’homme au mur n’ayant toujours pas trouvé un moyen de se décrocher. À vrai dire, les rares qui s’étaient levés pour lui porter main forte avait jeté l’éponge, craignant de se faire ouvrir le bras à cause de la flèche de chakra, qui semblait aussi aiguisé qu’une lame de katana. Ne portant aucune attention à l’élément qu’il avait ajouté à la décoration de l’établissement, l’archer finissait de boire à grande gorgé le bouillon épicé de son second bol de nouilles. Maintenant rassasié, il entreprit d’éteindre le feu de sa bouche en buvant un dernier verre d’eau. Vu l’incident de tout à l’heure, il avait préféré revenir à une boisson moins dangereusement pour sa santé. Appelant le proprio pour lui rappeler que les commandes était à son nom, il comptait se lever et partir s’entraîner ou accomplir une mission, il ne savait pas encore. Mais c’était sans compter l’intervention du juunin à la chevelure d’ébène.

Ce dernier commença par le complimenter sur Gladius, la technique qu’il venait d’exposer aux yeux des villageois présents. Faisant la grimace devant l’intérêt soudain qu’on lui portait, le Sarutobi resta un moment silencieux, feignant l’attention qu’il ne portait plus au sujet. Il retint cependant l’essentiel : il cherchait à connaître l’origine de cette technique. Faisant mine de réfléchir, G finit par hausser les épaules en répondant de manière détournée.

- A ma connaissance, les Sarutobi ne sont pas connu pour être de bons archers. Je dois être unique en mon genre.

Se levant en s’étirant, ayant finalement opté pour une bonne sieste avant un entrainement à l’arc, le jeune homme tatoué se souvint d’un petit détail. Fixant l’homme en face de lui, il lui posa une dernière question avant de tirer sa révérence. Bien que vu l’intérêt naissant qu’il lui portait, le pyromane doutait qu’il puisse s’en débarrasser avant qu’il n’ait pu tirer quelque chose de lui. Restait maintenant à savoir de quoi il s’agissait.

- Je viens de m’en souvenir… Tu ne m’as toujours pas donné ton nom.

En effet, ils avaient partagé un bol de nouilles ensemble, avaient corrigé un méchant, mais le ninja du feu était le seul à s’être réellement présenté.