Dissimulation

Un avant bras appuyé sur son cou, les pieds de l’anonyme Chuunin de la Brume ne touchaient plus le sol alors qu’Eizo le plaquait violement contre un des murs de la Tour. Son visage déformé par une haine sauvage, le Bretteur n’avait pas goutté la réflexion de l’indélicat Shinobi devant l’absence de la Mizukage dans ses appartements comme ses bureaux. Enoncer que la sublime jeune femme aurait bien pu déserter son poste et ses fonctions, même sur le ton de la plaisanterie, était une des rares choses qui mettait Okamura hors de lui !

Il aurait très probablement asphyxié l’indélicat dans sa rage si Hi Gekijou ne l’avait pas rappelé à ses obligations de Numéro Deux du Village par une intonation forte. Relâchant sa victime avec négligence, Eizo fuit la tour à grands pas pour mieux la gravir d’une foule de saut et se percher à son sommet. Il était Inquiet ! Balayant le Village d’un regard circulaire, le Jinchuuriki tenta de localiser Mei à son Chakra mais il n’avait jamais été vraiment doué dans cet exercice. En désespoir de cause il s’en remit à une chose que ne pouvaient que comprendre les hommes qui éprouvent les mêmes sentiments que lui … Son Instinct aida ses émotions et il ne tarda pas à quitter le Village Caché de la Brume ...

Il animait ses jambes de grandes foulées tout en espérant follement que Mei ne s’en soit pas aller à cause d’une vile blessure de son cœur, l’une de celle qui ne guérit pas avec un onguent et qu’elle aurait rouvert au contact de cette vie … Malgré les blessures de son âme, la Mizukage poursuit sa route à bord de son propre vaisseau de douleur sur la mer agitée du Nindô … Qu’elle n’ait pas de remords comme de doutes … C’est impossible ! Avait-elle fuit pour tenter de cicatriser seule et en silence ?

Dans ce cas, elle avait voulu tous les protéger … Car si ELLE se met à flancher, à qui pourraient-ils se fier ? Qui Eizo pourrait il … Cette simple pensée lui donna la nausée et le fit courir plus vite que jamais. Son estomac ne cesse de se retourner sous sa paroi abdominale, ballonné comme une bouteille vide roulant sur le pont d’un navire agité par le roulis des vagues déclenchées par une tempête nommée l’appréhension.

Okamura déglutit avec la plus grande des difficultés l’immonde gout de salive rance qui remontait le long de sa gorge dans la perspective de perdre ses raisons de vivre. Il tournait probablement tout au pire des cas, mais sans Mei à ses côtés en avait-il encore ? Sans la sublime jeune femme pour irradier sa vie, il n’est qu’un monstre de banalité, un pion, talentueux certes, mais au final si quelconque lâché sur un champ de bataille qui le dépasse mais qui est prêt à sacrifier son existence pour la survie et la protection des rares êtres qui lui sont cher. Il était devenu « fort » en ayant le désir de la protéger. Mais qui qu’il soit au fond de lui, il n’est finalement jugés que par ses actes et ne veut pas que seuls ses actes militaires parlent pour ma vie … Il en veut un en particulier pour sublimer son existence.

Le Jinchuuriki est essoufflé quand il pose ses yeux sur la jeune femme qui le torture depuis longtemps … Il a les plus grandes peines du monde à cacher son soulagement en une moue de stoïcisme. Quelle est la 25éme Règle du Code des Ninjas ? En quelque situation que ce soit, un Ninja ne doit jamais laisser transparaitre ses émotions, l’accomplissement de la fonction passe avant tout, le Ninja n’a pas le droit de verser dans le sentimental ! Ceux qui ne respectent pas les règles et transgressent les lois sont considérés comme des moins que rien, comme des faibles …

Alors Eizo avance lentement en direction de Mei, ne cherchant pas son regard émeraude de ses propres yeux grenat pour empêcher sa Mizukage de lire par ses fenêtres de l’âme. Le Bretteur de Kiri se contente de s’assoir silencieusement à ses côtés, rivant son regard sur le floué paysage lui faisant face. Voir son visage du coin de l’oeil, respirer l’air alentour et pouvoir sentir son parfum. Okamura pensait n’avoir plus droit à vivre de telles sensations, redécouvrant comme cela réchauffe d’avoir des sentiments et affirmer que ce n’est pas mieux de vivre sans. Il pensait que la retrouver le soulagerait … Alors pourquoi tout çà lui faisait il mal ?

Aérienne, Mei s’élève alors, fuyant la présence nouvelle du Bretteur de la Brume. Un coup de bambou illusoire vint heurter le sommet du crane d’Eizo pour lui faire pencher la tête vers le sol, laissant ses yeux se fermer, témoignage visible de sa temporaire affliction mentale. Les Attitudes de sa Mizukage vinrent réduire en cendre nombre des présupposés qu’il s’était lui-même autorisé dans son esprit et le coup fut rude mais non pas insurmontable. La tendresse et l’affection, qu’Okamura pensait partager, il se contenta de les expulser dans un souffle. Pulsations avouées des sentiments qui traversaient sa psyché.

Cruelle situation que voilà … Eizo s’efforce de sourire pauvrement afin de dérider l’atmosphère, mais le cœur n’y est pas tant cette action peut lui paraitre futile au vu de ce que peut bien endurer la belle proche de lui. Elle souffre en ce moment autant qu’il a lui-même pu souffrir. D’aucun ne le remarquerait pas, mais pour ceux qui ont un jour vécu dans la douleur il est aisé de reconnaitre le ternissement de l’âme par les épreuves que le monde vous inflige. Il aurait aimé faire tellement plus …

Puis elle s’adresse à lui, sur un ton qui n’évoque plus aucune affliction. Il écoute d’une oreille plus attentive que jamais et l’observe également. Eizo ne peut s’empêcher de se mordre la lèvre en voyant le frisson qui parcourt le corps de sa Mizukage. Il déduit qu’elle feint encore mais il est un Shinobi, soldat au service de sa hiérarchie. De marbre face à la situation, Okamura déplie son corps pour se relever, se tournant vers le chemin qui a vu son arrivée quelques instants auparavant. Eizo s’efforce de prendre cet air détaché qui le caractérise si bien et réponds sur le ton le plus neutre possible afin de briser ce froid qui caractérise leur rencontre depuis quelques instants déjà.

« Non … ! »

Il ne le savait que trop bien, la réponse à cette question était forcément négative. Certes le Jinchuuriki avait lui-même traversé les pires souffrances, enduré les pires peines et surpasser les plus grandes douleurs, mais cette sanglante marque dans son être, il la réservait pour son privé et ne l’affichait jamais comme une satisfaction pour son public. Cette douleur là, il la gardait bien pour lui et s’interdisait de l’utiliser pour juger les autres. Il n’était pas le genre de personne à se prétendre saigné à blanc et maitre des souffrances au point de pouvoir juger à tout va, non …

Terumi Mei … Elle semblait bien le délivrer de cette souffrance là, de ce serpent blanc nommé la peur. Une indescriptible peur, celle de tout perdre à nouveau, de voir à jamais son cœur percé par les innombrables lames de la souffrance comme du regret. Le regret de ne pas avoir pu tout dire, la souffrance de n’avoir rien pu faire. Oui … Cette si belle femme s’imposait à Eizo comme une évidence de féminité, un avatar de force comme de fragilité qui amenait son corps comme son esprit à vouloir la protéger … Elle est tout ce que le Bretteur de Kiri chérissait !

C’est dans un religieux silence, à peine brisé par le roulement du vent dans les Montagnes qu’Okamura tentait d’emplir l’espace de sa présence et de sa chaleur pour draper sa Mizukage de réconfort. Debout, a pose aussi figée que lascive l’appui contre le roc des monts brumeux alors que la brise agite ses fines mèches couleur ébène. Détournant ses grenats iris vers les lointains paysages, Okamura ne souhaitait pas accabler la belle de son regard animé par la flamme d’une vive intelligence alimentée par de profondes émotions. Ce n’était pas le moment … Ses mains se crispent dans ses poches alors qu’il serre les dents de souffrance, celle de ne pas pouvoir étreindre Mei pour prendre sa douleur. Il se contente d’être là … Son cœur battant au rythme de Mei.

Il était impossible pour Eizo d’interdire à sa peau un frémissement trahissant son trouble devant le contact cutané qui s’opérait alors que la jeune femme détournait le visage de son second pour qu’ils puissent échanger un regard. Toujours le même regard, la même expression quand elle le traite comme un enfant qui n’aurait pas retenu ses leçons. Et Okamura ne sait toujours pas comment réagir devant ces actes qui empourprent ses joues alors qu’il encaisse plus ou moins bien l’acide remarque de celle pour qui il pourrait bien donner sa vie.

Ses yeux s’écarquillent soudain quand la plantureuse jeune femme dépose un semblant de baisser sur son front et le numéro deux du village de la brume sanglante ne peut empêcher son cœur d’accélérer la cadence de ses battements. Elle reste aussi mystérieuse qu’insaisissable alors qu’elle se détourne du Jinchuuriki et reprends les attitudes propres à sa fonction. Interdit, Eizo n’accompagne cette dérobade d’aucune réaction se contentant de se perdre un instant sentimentalement avant de retrouver sa réserve de Shinobi.

Il ne relève toujours pas les petites piques que lui destine sa supérieure hiérarchique. Le porteur de Rokubi se contente de dévorer la silhouette de la jeune femme de son ardent regard, cherchant à définitivement tirer au clair les raisons de son exil momentané. Mais il ne peut terminer le cheminement de sa pensée car la Mizukage le touche au cœur. De ses remarques sournoises, elle déstabilise un court instant le Bretteur de la Brume qui ne peut que suivre d’un regard effaré les théâtrales déclarations de Mei. Puis elle l’abandonne de nouveau … Le numéro deux du village se sentait humilié en cet instant, ses dents serrées témoignaient de sa crispation alors qu’il mordait l’intérieur de sa bouche au sang pour évacuer la frustration propre à cette situation. Il n’offrit à la belle qu’une unique réaction :

« … »

Faisant ainsi honneur à l’un de ses surnoms, le silencieux, Eizo intériorisa sa rage temporaire pour tourner les talons vers le chemin qui avait vu son arrivée en poussant un soupir qui avait tout du persifflement. Mains dans les poches et visage peint d’un semblant de fureur, le Bretteur de la Brume s’en retournait donc vers son village. Sa silhouette disparaissant en un battement de cil alors qu’il s’empressait d’utiliser son Shunshin pour couper court à cette dérangeante situation.

Tunique frappée par le vent frais, les yeux à moitiés fermés pour affiner le regard noir qu’il portait à la Mizukage, Eizo apparut face à Mei, son visage presque collé au sien, le tout dans un roulement d’écho. Hasardant une main qui se voulait ferme sur l’avant bras de la jeune femme, cherchant à lui interdire toute réaction pour un instant. Lentement, le Jinchuuriki avançait plus que jamais son visage vers celui de la plus puissante Kunoichi du Pays. Elle avait raison sur un point, voilà bien longtemps qu’il lui cachait quelque chose … Eizo ose ainsi tout ce qui sied a un homme car par le pouvoir de la vérité il espérait, de son vivant, avoir conquis son univers.

Plus proche encore qu’il ne l’était auparavant, Okamura planta son regard couleur sang dans celui de Mei, plissant ses lèvres pour délivrer un souffle chaud qui viendrait caresser le cou de la belle. Le Bretteur de la Brume ne sait pas comment la jeune femme prendra son attitude. Elle en a probablement déjà dissout pour moins que ça … Qu’en serait il du Porteur de Rokubi ? Toutes les parties de son être vont peut être mourir dans un instant. Toutes. Sauf une. Un détail. Un tout petit détail, fragile, mais qui est la seule chose dans ce monde qui ait de la valeur. Il ne le perdra ou l'abandonnera jamais. Il ne laissera jamais personne le lui prendre. Ce désir ardent de la protéger …

Adoptant la lente gestuelle de cette vipère qui lui avait valu le sobriquet de Vicious, Eizo se fit aussi grand que possible alors que son nez caressait celui de la sublime Mizukage. Son ardent regard rubis ne tressaillait pas lors qui cherchait à subjuguer celui de Mei. S’effaçant tel un Mirage, ne laissant plus qu’une infime distance d’air entre ses lèvres et celles de la belle, le Jinchuuriki déplaça son visage contre celui de la plantureuse jeune femme. Plaçant ses lèvres au niveau d’un lobe d’oreille qu’il fit frémir de son souffle chaud, Eizo se contenta d’un murmure …

« Oui … »

Une simple syllabe qui répondait à l’ensemble des questions posées précédemment par la Mizukage. Eizo aurait bien juré qu’une éternité venait de s’écouler alors que ce surprenant échange n’avait du durer qu’un instant. Le tout était, maintenant, de savoir ce qui en ressortirait …

Eizo gouttait avec une satisfaction muette le moment de pur enchantement qu’il vivait dans l’instant. Mei et lui communiaient comme ils ne l’avaient jamais fait auparavant, au point de voir le Jinhchuuriki se prendre à rêver une relation bien différente avec la belle … Sentir son parfum, la chaleur de sa peau si proche de la sienne alors qu’il se perdait dans l’immensité de son regard émeraude, il n’était que peu d’autres situations qui plongeaient le jeune homme dans un état de pur bonheur. Mais ce qui fit suite à cette situation arracha plus encore de joie dans le cœur d’Okamura.

Le frisson qui parcourut l’épiderme de Mei et la carapace qu’elle amenait à refermer une nouvelle fois autour de ses sentiments fit intérieurement sourire le Bretteur de Kiri. Ils avaient beau être seuls, à l’abri de toute observation quelconque, il fallait que la Mizukage place plus encore sa fonction au dessus de ses … Sentiments ? Eizo l’espérait en tout cas … Et plus encore, il espérait pouvoir s’en servir afin de « manipuler » la belle à sa guise, la ramenant ainsi sur le chemin du quotidien, loin des tourments qui semblaient l’agiter auparavant.

Maladroit, direct, reptilien et silencieux, Vicious n’en restait pas moins … Amoureux ! Et cet état de fait le poussait à placer la belle Mizukage au dessus de sa propre condition. Prêt à sacrifier son corps et son âme pour que sa supérieure puisse vivre, le Bretteur de la Brume ne se débarrassa pas de cette expression de marbre qui peignait les traits de son visage. Ceux-ci se durcirent même plus encore …

D’un mouvement vif et puissant, le second du village amena son bras devant son visage, ses doigts toujours fermé sur le poignet de Mei et laissant la main de sa Mizukage enserrer plus encore son propre bras en suivant son mouvement. Eizo pencha la tête sur le côté, un air faussement ennuyée se dessinant sur son visage à la peau pâle. Si la belle venait à croiser le regard d’Eizo, la Kunoichi ne pourrait s'empêcher de ressentir un frisson en y déchiffrant une froide détermination mortelle sans limite. Transfiguré, Okamura s’exprima d’une voix qui ne laissait transparaître aucune émotion, mise à part son « arrogance » naturelle.

« Vas-y … Empares-toi de mon bras ... Tout comme tu t’es emparée de mon cœur ! »

Bien qu’il ai prononcé ses ultimes mots sur un ton Presque éteint, Eizo avait tenté d’afficher toute la détermination et la volonté du monde pour bien faire comprendre à Mei le poids de ces déclarations. Sacrifier son bras ne l’effrayait absolument pas, malgré les hurlements intérieurs de son Bijuu qui lui ordonnait de ne pas se mutiler pour une simple mortelle. Mais il n’était pas de ceux qui se défilent pour si peu, Okamura est d’une autre trempe. Perdre son bras pour offrir à son Pays un leader à même de le porter sur la voie de la réussite et de la félicité pendant des années, il considérait cela comme un faible sacrifice. Et que dire si c’était pour rendre Mei … Elle-même ?

Il ne comptait pas à côté de ça. Il est semblable à cette foutue aiguille trotteuse … Eizo cherche à s’élever au firmament de sa Mizukage, l’effleure un court instant avant, d’irrémédiablement, retomber emporté par le temps. Il essaye, encore et toujours … Il s’essouffle … Il perd de sa substance, à chaque fois … En fin de compte, il n’est qu’un putain de squelette dont l’ossature décharnée n’exsude que des actes vide de sens ... Alors autant leur en donner en soulageant la belle. Même si ce n’est que pour un temps. Un temps, c’est peut être ce qui restait dans la vie de son bras, alors autant en contracter ses muscles plus que jamais, au point d’en rendre ses veines apparentes … Il ne souffrait vraiment d’aucun regret en cet instant, il espérait juste qu’il pourrait bien redonner « le sourire » à Mei par ses actes … Même s’il semblaient stupides !

La simple vue de la réaction interdite de sa Mizukage eut l’effet d’une lame plantée dans l’âme du Bretteur de Kiri. Plonger la belle dans un monde de doute n’était pas sa volonté, il ne souhaitait que la sortir de son abîme actuel par la force de sa volonté, de ses sentiments … Autant dire que les réactions de Mei n’engagèrent pas Eizo sur le chemin de la confiance absolue. Il était aussi interdit qu’elle semble être surprise par la situation et il éprouvait les plus grandes difficultés à poursuivre sur le chemin qu’il avait commencé à parcourir. Son éducation militaire ne le prédisposait pas à ainsi mettre à nu ses sentiments … Mais c’est de lui-même qu’il s’était engagé dans cette voie !

Il ne savait que faire en la voyant ainsi cacher son visage, en la voyant se dissimuler derrière le masque de sa si belle chevelure. Il ne faisait que regarder, analyser et réfléchir à la fois, cherchant un moyen de poursuivre ses dires d’une façon qui leur conviendrait à tous deux. Elle était nerveuse, il était maladroit. Une maladresse qui inhibait une certaine forme de courage, car il en avait fallu à Eizo pour enfin se décider. Mais il était maintenant totalement inhibé par cette image de souffrance psychique que lui renvoyait la belle, une souffrance qu’il pensait avoir lui-même provoqué …

Elle entama un mouvement de fuite, mais il la retint inconsciemment. Ses doigts s’étaient tant habitués au contact de cette peau de pêche qu’ils ne souhaitaient plus la quitter. Elle finit par lui exposer son dos. Cette simple vue transfigura Eizo, lui faisant réaliser une chose : il ne souhaitait pas la perdre ! Ne plus voir son visage semblait le soulager, semblait libérer son esprit des entraves qu’il s’était lui-même fixé. Il demeurait toutefois silencieux.

Son cœur battait à une cadence folle sous sa poitrine alors qu’il desserrait l’étreinte de ses doigts. Toutefois ses phalanges ne quittèrent pas le contact du bras de la belle. Caressant la peau de Mei du bout de ses doigts, Okamura descendit sa main avec une lenteur extrême, tel un être à la peau glacée, pour parfaitement épouser la main fine de Mei. Ses doigts cherchaient prudemment à se mêler à ceux de la belle pour une étreinte qui lui indiquerait plus clairement les choses que jamais. Et si cela ne suffisait pas, Eizo approcha son corps du dos de la belle, elle le sentit alors passer un bras autour de ses épaules. Il ne savait pas si cela la réconforterait ou non.

Il y eut un bref instant de flottement où Eizo sembla perdue dans ses pensées. D'un mouvement calculé, lent, envoûtant, il se pencha par-dessus son épaule pour porter son regard dans la même direction qu’elle ... Leurs souffles se mêlaient alors qu’ils fuyaient vers le même espace. Il susurra alors quelques mots, de sa voix suave qu'il ne pouvait réserver qu'à elle.

« Je t’aime Mei … »

Une simple phrase qui, depuis trop longtemps, faisait grelotter son cœur. Il ne trouvait pas la force de s'éloigner de Mei, allégé qu’il était d’un sentiment qui le rongeait depuis trop longtemps de l’intérieur. Toujours contre elle, il s'enivrait de son odeur, de sa présence. Son corps tremblait presque imperceptiblement à la suite de cette définitive révélation. Eizo cherchait maintenant à garder un semblant de contenance. Mais qu'est ce qu'il l'aimait, merde!

Toujours penché au dessus de son épaule, Okamura bascula lentement sa tête vers le côté. Reprenant ses attitudes reptiliennes, le Bretteur de la Brume enfouit sa tête dans le de la belle Mizukage, de cette femme forte qui le faisait chavirer. Son souffle mordit la peau douce de la jeune femme à mesure que la respiration du Jinchuuriki se faisait plus calme. Lentement, Eizo déposa un baiser papillon sur la tempe de la belle. Avant de fendre ses lèvres pour délivrer dans un souffle qui indiquait clairement sa non envie d’exécuter ce qu’il énonçait lui-même :

« Mais je peux toujours partir, si c'est ce que tu souhaites ... »

Un regard … Il suffit au Bretteur de la Brume de croiser un seul et unique regard pour immédiatement savoir qu’il n’apprécierai pas le moins du monde les instants qui allaient suivre. Il n’apprécia plus le moindre des contacts que lui offrait la, pourtant superbe, Mizukage. Ses doigts semblaient bien être du papier de verre au contact de sa peau en cet instant. Elle lui souriait … Souriait … La situation apparaissait si drôle que çà à ses yeux … Tant mieux dans ce cas, au moins Eizo n’aurait il pas tout perdu dans cet échange.

L’Etat dans lequel il se trouvait actuellement ne permettait pas à Okamura de distinguer les différentes nuances relatives à certains actes. Déjà qu’en temps normal il ne saisissait pas toutes les subtilités du langage du corps et des attitudes, il ne fallait donc pas lui demander de trouver une forme de délicatesse ou de compassion dans les gestes comme dans la voix de Mei. La fin du contact entre sa peau et la main de la plantureuse jeune femme fut une délivrance comme un déchirement à la fois. La souffrance d’Eizo se fit muette et il tenta d’adopter une nouvelle fois ce visage de marbre qui lui était propre. Il eut toute fois le plus grand mal à souffler quelques mots sur un ton aussi froid que métallique.

« Pas autant que moi Mei … Pas autant que moi ! »

Sa mâchoire se crispait alors qu’il terminait son énoncé, laissant son regard éteint suivre les mouvements de fuite de sa Mizukage. Okamura tentait d’enfouir au plus profond de son âme la situation qu’il venait de vivre, tuant ses sentiments dans l’instant pour ne plus être qu’un animal froid et dénué d’émotion. La théorie semblait simple, la pratique n’était pas évidente. Ses épaules tremblaient toujours, à mesure que les pas de la belle s’éloignaient de son corps, Eizo s’emplissait de rage comme de tristesse. Il était submergé par ses émotions, par cette sensation d’avoir perdu une de ses essentielles raisons de vivre.

Un roulement d’écho, le bruit caractéristique du tonnerre qui gronde. C’est ce qui brisa le silence qui venait d’étreindre les Monts Brumeux.

Plus longues de quelques centimètres, les pointes capillaires d’Eizo se détachaient en mèches affinées dirigées vers les cieux brumeux. Ses muscles avaient légèrement grossi pour adopter une forme encore mieux proportionnée. Et son corps était entouré d'éclairs de Chakra pur, d'une blancheur et d’une chaleur insoutenable au point de faire disparaitre en fumée le haut noir d’ Okamura. Des Eclairs qui crépitaient furieusement en formant des cercles autour de son torse et de ses membres. Ses yeux, quand à eux, étaient maintenant d'un or extrêmement pâle, comme décolorés. Si elle venait à croiser le regard qui s’en échappait, la plus puissante Kunoichi ne pourrait s'empêcher de ressentir un frisson en y déchiffrant une froideur. Mais au fond de lui, le Bretteur de la Brume savait qu’elle ne le regarderait plus.

Quelle est la 25éme Règle du Code des Ninjas ? En quelque situation que ce soit, un Ninja ne doit jamais laisser transparaitre ses émotions, l’accomplissement de la fonction passe avant tout, le Ninja n’a pas le droit de verser dans le sentimental ! Une nouvelle fois, le Jinchuuriki transgressait cette règle, laissant à son Bijuu la possibilité d’exsuder de sa présence, alors que le Bretteur de la Brume ne souhaitait que rugir sa rage à la face des mots Brumeux …

Il s’apprêtait à laisser éclater sa rage, sa colère, sortir de cet état moribond dans lequel la situation changeante l’avait plongé quand il fut projeté contre une des minérales façades de la montagne. Surpris au possible, Eizo n’esquissa pas le moindre geste de défense et accusa le cou, écarquillant les yeux quand son dos lui rappela la notion de douleur en mordant la pierre. Bientôt, sa Mizukage fut sur lui et le frémissement de ses tempes se fit l’écho du déchirant cri haineux que poussa son Bijuu à l’intérieur de son âme.

Ses poignets entravés, ses mains n’ayant plus aucune liberté le siège de sa force s’en trouvait complètement brisé. Immobile, condamné à subir les brimades de la créature de ses rêves qui lui faisait vivre un cauchemar, Okamura sentait sa colère monter en lui et contracter l’ensemble de ses muscles sous une rage animale qua lui intimait la créature nichant dans son bas ventre. Les paroles de Mei le faisaient presque sortir hors de ses gonds et il n’en fallait pas plus pour que les ongles du Bretteur de la Brume ne se muent en des allégories de griffes bestiales.

Puis il se figea tout à fait.

La morsure de la main de Mei sous sa joue lui fit retoucher terre et les agitations de crâne qu’il multiplia pour dissiper la douleur finirent de renvoyer ses sentiments aux oubliettes. Son Bijuu parcourait toujours son corps, mais Eizo parvenait à le canaliser. Ses traits rendus plus durs par son hôte démoniaque se tirèrent de nouveau dans une de ses sempiternelles attitudes glaciales. Haletant, tel un animal enfermé derrière des barreaux, le Jinchuuriki écouta la belle Terumi lui énoncer le code qui dictait leurs vies. Une fois qu’elle eut fini, il laissa planer un long silence avant d’énoncer froidement, sur un ton métallique :

« Mizukage … C’est donc ça … Le poids du commandement. Manipuler les hommes comme … Des pièces d’échecs ? »

C’est l’impression que lui laissait Mei en cet instant. Peut être était il aveuglé par sa rage, peut être était il induit en erreur par son Bijuu, mais c’est seulement ainsi qu’il voyait sa Mizukage en cet instant. Il plongea son regard doré dans l’émeraude des yeux de la sublime Kunoichi et il n’y découvrit que de la sévérité. Un constat qui le fit soupirer.

Mizukage … Un commandement qui lui imposait de se comporter comme une machine, lui imposant de faire des choix d’ordinateur, de prendre des décisions froides et calculées. Eizo avait longtemps pensé que Mei n’était pas une telle machine. Il avait longtemps pensé qu’elle l’avait encore, cette force du cœur humain. Mais en cet instant, il n’en avait plus la moindre certitude. Et il la haïssait pour ça …

Une haine qui le poussa à manifester de lui-même son Bijuu, premier pas vers le contrôle total de son hôte démoniaque. Le Chakra du Démon se fit plus oppressant, parcourant l’épiderme du Bretteur de la Brume sous la forme d’éclairs blancs crépitant dans les airs. Tout de lave qu’ils étaient, une fois secs les liens de Mei n’étaient rien d’autre que de la terre. Et la terre se voit dominée par le Raiton. Brisant ses liens et se libérant en serrant les dents, Eizo se fit aussi grand que possible, dominant Mei de toute sa taille et dévoilant dans un sourire aussi carnassier que furieux ses canines hypertrophiées. Semblant parcouru d’une douleur profonde, le visage du Jinchuuriki se pencha sur le côté alors qu’il serrait les dents en se mordant la lèvre inférieure. Rouvrant les yeux il mit de nouveau à jour ses Iris Rubis plus froids que jamais.

« Un simple pion … »

Murmuré dans un souffle, ces trois mots accompagnèrent la rotation du corps d’Eizo qui se détournait de sa Mizukage par la même. Un pas plus tard, il se figea tout à fait dans une posture qui n’était pas sans rappeler l’amorce d’un de ses mouvements favoris. Mei n’aurait aucun mal à le reconnaitre, cet angle de corps qui précédait un pas chassé immédiatement suivi d’un coup de pied chassé sous le menton ! Mais ce mouvement, Eizo le garda pour lui et ne l’amorça pas. A défaut, il croisa ses bras sur son torse désormais mis à nu et porta son regard au loin. Lui qui se voulait puissant et fine lame à la fois n’avait passé que trop de temps à jouer au faible et à courir derrière des chimères qui ne voulaient toujours pas le quitter …

Le vent frais soufflant entre les monts brumeux caressa tel une morsure la peau du Vipérien Ninja de la brume. Lui qui se voulait froid et distant ne gouttait pas le moins du monde la réalité froide de son Pays en cet instant. Mais ce vent était ce dont il avait besoin pour dégriser de son amour, pour revenir à son quotidien et enfouir tout ce qui venait de se passer pour en revenir au point de départ et continuer à avancer. Il n’attendait plus rien de Mei en cet instant, pensant sincèrement que tout avait été dit et qu’un point final venait d’être apposé à cette histoire qui n’aurait, finalement, duré que le temps d’un songe.

Mais une seconde morsure vint étreindre la peau du Shinobi, la sensation d’un papier abrasif qui vous écorche dès son contact et qui ne vous donne qu’une envie, le fuir pour de bon. Du coin de l’œil, Okamura observa une des mains soignées de sa Mizukage se poser sur son bras. Il aurait tout donné pour se volatiliser d’un Shunshin en cet instant, mais un élément vital de son corps lui interdisait toute fuite en l’instant. A l’invitation des bras de Mei, il se tourna pour poser son regard froid sur son visage. Et il l’écouta, la musique de sa voix comme celle de son cœur qui battait à tout rompre sous sa poitrine.

Il se sentit plus stupide et honteux qu’il ne le serait jamais plus dans sa vie.

Elle venait de le calmer de la plus surprenante des manières, mais le Shinobi de la Brume ne modula toutefois pas son expression faciale. Tout au plus aurait elle pu remarquer ses pommettes se roser à la constatation qu’il n’était qu’un sombre idiot, mais il s’attachait maintenant à garder un masque distant et plus froid qu’à l’ordinaire, voile de stoïcisme qui collait bien plus à sa fonction de Ninja ne devant pas verser dans le sentimental. Les éclairs de Rokubi se calmèrent d’eux même, le Jinchuuriki reprenant définitivement le contrôle pour ne pas électriser sa belle Kunoichi. L’estomac noué, il se hasarda à un dernier geste, passant ses doigts glissèrent quelques mèches de cheveux derrière l’oreille de Mei. Il en termina donc sur ce ton suave qu'il ne pouvait réserver qu'à elle :

« Si … Je crois que je comprends à présent … »

A défaut d’un point final définitif à leur histoire, Eizo espérait ouvrir ainsi une ellipse qui leur permettrait de se retrouver plus tard. Un jour, peut être … Mais pour l’heure, alors que ses sentiments l’assaillaient toujours, il se devait de retrouver l’image qui était la sienne dans le Monde des Ninjas.

Si les Ninjas sont des messagers de mort, lui plus que quiconque ce doit d’être la personnification même de la grande faucheuse. Son regard de braise redevint glacial et quasiment toute émotion en était absente. Il devait redevenir le prédateur, celui que tout le monde craindra, celui que personne ne pourra surmonter. Le prédateur qui prend les vies tel le grand océan : de façon violente et impitoyable ... L’arme Kirienne, le Jinchuuriki utile à son village, le second efficace. Une initiative peu étonnante car Eizo est toujours à la recherche d'adversaire de valeur pour mettre à l'épreuve sa force !

Une moue inquiète avait remplacé ses airs froids presque malsains, pendant un bref moment. Croisant de nouveau les bras sur son torse mis à nu, Eizo pencha la tête sur le côté, un air faussement innocent se dessinant sur son visage à la peau pâle. Sans qu'il s'en rende compte, comme si sa nature profonde venait de refaire surface après une parenthèse de faiblesse coupable, la question avait déjà franchi ses lèvres sur un timbre neutre :

« Ne serait il pas temps de rentrer ? Mizukage-Sama … »

Il n’avait plus le droit de se comporter comme un gamin …