Retour à la taverne du Kunai Rouillé

Spoiler:

Cette histoire s'est passée il y a quelques temps déjà. Je ne vous l'ai jamais racontée. C'était lors de mon séjour et expédition au pays de la cascade, dans un village nommé Shibasen. Vous devez l'avoir compris maintenant, mais je suis un sasurai, un employeur vagabond. Un homme qui fait partie d'un monde parallèle à celui des ninjas, loin des villages et de la morale. Un monde de survie, où l'homme est un loup pour l'homme. Je ne suis pas un ninja, je sais à peine me défendre. Je n'ai pas de quartier d'opération, pas de véritable attache. Oh, j'ai bien un petite quartier où je mène quelques opérations illégales et illicites, mais les revenus sont maigres. Non, pour l'instant, ma seule véritable possession se résume dans ma "famille". Trois subordonnées charmantes, et agiles de leurs corps, qui me sont très dévouées. Cette histoire se passa donc lors du lendemain du recrutement d'Enflammée. Pour résumer, disons qu'elle s'ennuyait dans une taverne à faire un job de serveuse parce que personne ne voyait l'étendue de ses capacités. Je lui ai proposé mieux. Elle a accepté. Ce qu'elle ignore, c'était que ma rencontre le lendemain matin avec un client.

Vous savez, dans ce genre de milieux, on repère bien vite les endroits propices aux "affaires". Une taverne un peu reculée - La cascade d'hydromel - un homme qui observe les nouveaux arrivants. Nos yeux se croisent. Il comprit. Je compris. Il cherchait quelqu'un pour un travail, je voulais me faire de l'argent. Un intérêt mutuel. Je me présente comme Sora, et il me fait patienter un moment avant de me faire monter à l'étage. Le client est maigrichons et balafré, mais sa bourse est bien garnie. Sa voix est nasillarde.

Vous êtes Sora ? Bien. Venons en aux faits. Voici un payement pour faire exploser la poutre principale de l'auberge du kunai rouillé, à l'aide de ce parchemin explosif. Si vous tenez à le savoir, il s'agit en vérité d'un criminel qui n'a aucun scrupule à revendre les informations qu'il entend à toutes sortes d'individu louche. Il paraitrait qu'il fréquente même des marchands d'esclaves, et cela ne m'étonnerais pas.

Mon esprit trie l'ensemble des informations utiles. Peu importe le passé de la cible, ce qui compte c'est la mission. Et le paiement. Tout l'emballage politiquement incorrecte autour de la morale de la question n'est pas intéressant et même... dérangeant. Son ton est poli, toutefois. Sympathique. Quelqu'un pour qui je travaillerais volontiers. Avec plaisir même. Je lui réponds d'un air nonchalant.

Peu importe son nom, sa race et la couleur de son sang. Tant que l'argent sonne de la même mélodie, j'accomplirais la mission. Enfin, moi ou une de mes employées. Vous ne regretterez pas d'avoir fait appel à nos services. Je viendrais récupérer le paiement une fois la tâche accomplie.

Pour ce genre de requête, la récompense ne doit pas être très élevé. En même temps, le risque est inexistant. J'empoche le parchemin explosif et je m'apprête à prendre congé de mon interlocuteur lorsqu'il me prend par le bras. Ce contact me hérisse. Je n'apprécie que l'épiderme féminin. Cet homme est sale, puant. Il n'a aucun droit de me toucher, et par pur réflexe, je lui envoie presque un Nerigachi dans la tête. Heureusement, je me retiens et j'écoute sa dernière recommandation.

Une dernière chose. Je veux que la note explosive fasse un maximum d'effet, mieux vaux que l'auberge soit remplie. Vers 13h par exemple. Je vous attends avec la récompense. 250 ryo et kokus.

Paiement raisonnable. Je libère rapidement mon avant bras et je le salue poliment avant de me balader un peu dans le village. J'ai du temps à tuer, puisque la destruction ne doit avoir lieu que dans quelques heures. Je croise au loin mes deux subordonnées, occupées à faire connaissance et à préparer leurs bagages. Pour être franc, je préfère qu'Enflammée ignore ce à quoi je me prépare. Il s'agit tout de même de l'établissement où elle travaillait hier encore. Pas question de risquer une nouvelle employée aussi douée pour quelque chose qui n'en vaut pas la peine. Je prends congé de cette charmante compagnie.

L'heure s'approche. Doucement. Une petite brise me caresse le corps alors que j'ouvre la porte de l'auberge du kunai rouillé. La deuxième fois en deux jours. Il y a déjà foule, malgré l'heure matinale. Le patron ne me reconnait pas, heureusement. Le plein de monde semble une excellente couverture pour moi. Directement, je remarque une place assise de libre au centre de la salle, près du pilier central. Une disposition parfaite pour la suite de mes opérations. Je réfléchis à un moyen de faire tout cela le plus discrètement et innocemment possible. Je monte au bar en m'asseyant tranquillement, et je demande au patron - visiblement affairé pour servir tout le monde en l'absence d'une de ses serveuses.

Vous n'auriez pas une bonne bouteille de vin, par hasard ?

Il me lève le doigt, signe que je dois légèrement attendre, puis il disparait avec un plateau de commande. Il revient, me dépasse et descend dans la cave cette fois-ci, d'où il sort avec une bouteille légèrement poussiéreuse. La lumière reflète un contenu rouge sang avec un léger dépôt. Je lis l'étiquette, mais je ne reconnais pas l'appellation. Certainement pas le meilleur vin que j'ai gouté. Tant pis.

Celle là fera l'affaire ? Un bon cru. Je suis désolé si je ne peux pas vous aider plus, mais ma meilleur serveuse était une œnologue accomplie et elle à récemment démissionner pour s'enfuir avec quelqu'un de louche.

J'acquiesce. Allez donne moi cette bouteille, que je fasse exploser la moitié de ton auberge et qu'on n'en parle plus...

Merci, cela me convient.

Je m'assois à la table repérée tout à l'heure. Position idéale. Il ne reste plus qu'à attendre l'heure. Je déguste mon vin petit à petit, feignant de vouloir noyer un chagrin quelconque dans l'alcool. Tic tac, l'aiguille continue de tourner, ma tête aussi. C'était à quelle heure déjà que je devais tout faire ? Mhhh... ah oui 13h. Cela se rapproche. Un autre verre. Plus qu'une heure. La bouteille est presque vide. Une bagarre explose à la table d'à côté mais je garde ma concentration impeccable pour la suite de l'opération. Dernier verre. Bouteille vide. Tout tourne. Je glisse le parchemin explosif dans la bouteille et je m'installe un peu plus loin, pour observer le spectacle. L'heure arrive. J'active le sceau en formant le tigre discrètement avec mes mains. La déflagration souffle la poutre et la table, le plancher d'au-dessus s'effondre. Des cris explosent. Les gens se ruent dehors. Le patron est rouge de colère, et de peur. Et moi. Et moi je chantonne au milieu de cet apocalypse de cris, de blessures, de sang et de remords.

Danse, danse... folle humanité sans foi ni loi. Considère cela comme une juste rétribution divine. La mienne.

Je m'éclipse, profitant de la cohue généralisée. Le chaos à ses avantages. L'alcool aussi. Je reviens dans l'autre taverne. Je connais le chemin, et je tapote l'épaule du cerbère qui me laisse passer, tout en vérifiant que je ne suis pas suivit. Je pose mes mains sur la table, et j'essaie de dire du ton le plus sobre possible dans mon état.

Mission accomplie.

Et je pars rejoindre mes subordonnées. Direction, le pays de la pluie ! Avec une bonne petite bourse supplémentaire à ma ceinture, ma foi...