» Le remords est l'horreur d'avoir douté.

Elle regardait Gaara partir, en laissant glisser sa main encore un instant sur la stèle funéraire. Yoruichi restait perplexe face à cet homme, enfin, ce bout d’homme. Pour elle, il ne sortait qu’à peine de l’adolescence, et pourtant il semblait pourvu d’une plus grande maturité que la sienne. Sans doute était-ce pour cela d’ailleurs que ce jeune Jinchuuriki avait été nommé Kazekage, supplantant de ce fait bien des hommes puissants. Ou alors était-ce le conseil qui avait souhaité placer quelqu’un de malléable à la tête du village ? Peut-être, mais ils n’avaient pas réussis leur office car bien qu’aimant sa population, le Kazekage ne semblait pas être quelqu’un de trop gentil, de trop tendre. Il était un shinobi, avant de devenir Kage, et sans doute fut-il à cette époque le meilleur élément du village. Yoruichi trouvait cela cependant dommage d’avoir restreint une pareille puissance entre les murailles. Certes un Kage pouvait quitter son village, dans un cas d’extrême urgence, mais un tel homme, bien que très apte dans sa fonction de défenseur sacré aurait du être amené à faire des missions de rangs élevés, accompagner ses ninjas dans des tâches dangereuses. Enfin, elle ne concevait que peu cette logique de Kage, mais elle préférait tout de même savoir qu’un tel homme défendait sa famille, ses murs qui respiraient tant de souvenirs.

Son regard glissa sur le dos de cet homme qui semblait si frêle. Un petit sourire glissa sur son visage. Ce n’était qu’un jeune adulte, qui n’en imposait guère de part sa carrure, il n’était pas à l’image de ce Tsuchikage à l’allure animale et barbare. Pourtant, ses épaules portaient le lourd fardeau de sa jarre, alourdie par le sable contenu dedans, sans doute de part sa fonction, chaque grain de sable s’était à présent transformé en une vie à défendre à tout prix. Et il restait droit, tendant sur les muscles de son dos et de son abdomen, pour garder le menton fièrement dressé. Elle ne pouvait concevoir d’être aussi jeune et d’avoir accepté autant de responsabilités. Mais après tout …qui d’autre ? Ce fameux Sir Crocodile ? Elle n’en savait que trop peu sur cet être énigmatique, et elle ne voulait d’ailleurs pas en savoir plus sur la question. Ce n’était qu’un homme, vivant qui plus est dans le luxe et dans la violence. Elle ne voulait pas se l’avouer, mais elle avait peur de l’homme en elle-même, non pas d’un contact, non pas de sa présence, mais de ce que pouvait représenter ce balafré qu’elle n’avait vu que trop peu souvent traverser Sunagakure avec son allure de colosse inquiétante.

Le chemin venait de subitement éveiller ses sens, son pas se fit plus léger tandis qu’elle reprenait toute sa concentration, comme si elle était sur le qui-vive. Plus aucun son ne provint de ses pieds, même pas le frottement discret de ses vêtements se froissant à sa démarche féline. La direction prise était celle de la tour, comptait-il l’accueillir dans son bureau ? Cela lui semblait assez normal après tout, elle n’avait aucun souhait d’aller directement dans les appartements privés de Sabaku No Gaara et celui-ci semblait l’avoir compris. Les escaliers continuaient à défiler, et lorsqu’ils dépassèrent la porte lourdement gardée, elle ne put que lancer un regard d’inquiétude vers le dos de son maître continuant à évoluer sans s’arrêter le moins du monde. Ses sourcils se fronçant, elle n’avait pas connaissance de la pièce dans laquelle il l’emmenait, sa crispation pouvait être visible, ses mâchoires s’étant contractés et sa démarche s’étant raidie comme un chat s’attendant à tout instant à une attaque en traitre.

Elle observa cette nouvelle porte. Etrangement, elle n’avait en effet jamais eu dans l’idée de se diriger vers le fond du couloir, elle ne savait même pas qu’il se terminait sur une autre salle. Son intérêt étant assez marqué, plus particulièrement quand il lui ouvrit galamment la porte pour la laisser entrer. Se décrispant quelque peu devant cet acte de galanterie, elle ne pu s’empêcher de sourire, son masque de glace semblait voler en éclat, face à un homme qui pourtant, n’était pas le genre avec qui elle devait se détendre.

Yoruichi : « Kazekage-sama, s’il vous plait ... Je pourrais presque être votre mère ! »

S’avançant dans la pièce en prenant bien garde à ne pas même frôler le jeune homme, elle se positionna rapidement au centre de celle-ci tandis que son interlocuteur allait mettre l’eau à bouillir. Dilatant ses narines, elle semblait déguster les senteurs de cette salle, celle-ci sentait déjà le thé de qualité, ainsi que …malheureusement, un certain luxe. Elle écoutait attentivement l’exposé de son Chef militaire, lui adressant un regard vague tandis qu’elle dégustait toujours l’odeur de cette pièce. Elle respirait le bien-être et la tranquilité, ce qui eut pour résultat de la faire se décrisper encore un peu, au point qu’elle osa même aller jusqu’à s’asseoir délicatement dans l’un des fauteuils, se situant en face de celui de son Kage.

Yoruichi : « Vous me demandez de laisser tomber le protocole dans une pièce où des négociations ont eu lieux ? Veuillez m’excuser, mais les rapports diplomatiques, puissent-ils être aussi fraternels et amicaux que possible, ne sont jamais qu’une vaste de danse du protocole, certains l’utilisant avec plus de finesse que d’autre, avec plus d’apparats, avec plus de dissimulations. L’art de marchander se situe justement dans la rigueur à respecter les règles et respecter sa place. »

Ce geste avait-il quelque chose d’aussi symbolique pour Gaara que pour Yoruichi ? Il venait de se délester du fardeau de sa jarre, est-ce que de ce fait délestait-il aussi le masque de responsabilité et d’autorité qu’était celui du Kazekage pour devenir le vrai Sabaku no Gaara ? Elle n’en savait rien. Mais elle ne doutait pas en effet que cela ne pouvait qu’être plus facile afin de s’installer confortablement dans un fauteuil. A l’image de ce dernier, elle déchargea de son éventail géant, le posant à ses pieds. Après tout, il souhaitait que cette discussion soit dépourvue du protocole. Elle venait en partie de se dénuder en retirant cette arme qui était la sienne, bien que son corps en était une elle-même. Il lui fit un exposé sur la place qu’il avait tenu, sur celle qu’il tenait maintenant et sur la vraie, celle qu’il aurait vraiment voulu tenir. Elle haussa un sourcil, certes, elle avait crains ce Jinchuuriki d’Ichibi, car il était à cette époque dangereux. Mais quand elle l’observait à présent, elle ne reconnaissait guère en lui cet enfant dont les tripes sont pourries par cette glaire pestilentielle qu’était la haine.

Yoruichi : « Qu’importe bien de quoi est composé le passé, l’important devrait être le présent. »

Sa voix s’était faite tout de même hésitante, cela lui semblait étrange de faire ce genre d’enseignement à son Kazekage. Mais après tout, si le protocole n’existait plus, elle n’avait qu’à simplement resté à sa place, ce qui consistait à garder un profond respect pour Gaara-sama. Yoruichi sentait bien ce regard posé sur elle, qui glissait sur son corps. Tout en sachant qu’elle n’était point avilis par une pareille observation, tout en sachant que nul perversion ni goût pour la luxure n’étreignait les pensées de cet homme, elle était gênée. Entrain de se tortiller dans le fauteuil, elle ne tarda à passer ses bras devant sa poitrine pour attraper son écharpe qu’elle ne tarda à retirer. Le rouge lui montait déjà au cou, sans doute que si le Kazekage continuait son observation, elle ne tarderait à virer au pivoine. Son regard était détourné, dirigé vers l’eau à bouillir comme si un intérêt grandiose pouvait en provenir. Le sifflement la fit même quelque peu sursauter tandis que Gaara se dirigeait vers la cuisine. Elle tourna alors son regard vers la jarre de celui-ci. Comme obnubilée, elle ne s’en approchait pas, mais continuait de la fixer, elle avait du mal à concevoir que ce sable puisse avoir une vie propre. Quel était le réel secret de cette défense ultime ? Cela l’intéressait depuis bien des années. Mais même si Gaara lui avait dit qu’elle pouvait poser n’importe quelle question, elle ne voulait en aucun cas le savoir, elle voulait pouvoir faire la découverte d’elle-même, en comptant sur son esprit d’analyse.

Elle comptait bien prendre son temps, après tout, jusqu’à présent, il ne lui avait accordé qu’une seule question, elle devait bien la choisir. Prenant en main son thé, elle le porta à ses lèvres, l’air songeur. Dégustant la première gorgée, elle plaça l’une de ses jambes sur l’autre, croisée. Faisant tourner le liquide dans son récipient, elle repensa à ce colosse, habillé avec élégance, pourvu de cette balafre traversant le village de son air froid, sérieux. Ce personnage énigmatique portant le nom de Crocodile et toujours dissimulé par la fumée des cigares qu’il fumait continuellement.

Yoruichi : « Qui est Crocodile ? »

La pièce la mettait à son aise, le contexte la détendant doucement tandis qu’elle dégustait le thé brûlant avec délicatesse. Après tout, bien qu’elle n’ait jamais réellement vécu avec opulence, on ne pouvait douter dans les bâtiments familiaux, qu’il fut un temps où son clan ne fut pas l’un des principaux clans marchands du pays du sable, ayant perdu beaucoup dans sa reconversion en le mercenariat et plus tard en devenant des Shinobis. Son environnement, cette odeur luxueuse, cette sensation douce fournie seulement par les meilleurs textiles, ne faisaient que lui remettre en mémoire sa toute jeunesse. Avant que le clan Shihoin ne soit sur la pente descendante. Sans doute dans n’importe quel autre contexte n’aurait pas osé paraître aussi à son aise, bien qu’elle n’oubliait jamais qui elle avait en face d’elle : Sabaku No Gaara Kazekage-sama, un homme. Approuvant d’un hochement de tête, elle restait tout de même peu sûre de la justesse des propos du Jinchuuriki.

Yoruichi : « Connaissez-vous la signification exact du Carpe Diem ? »

Sa question purement rhétorique semblait darder son interlocuteur. Elle avait toujours été un esprit assez éveillé, plutôt intelligent, douée pour tout ce qui touchait à l’art de discourir, l’art de la rhétorique. Mais y avait-elle déjà seulement vu une quelconque utilité en tant que Kunoichi ? Sans doute jamais, sans doute ne la considérait-on que comme une simple combattante, d’un certain niveau de compétence et avec une qualité de meneuse assez talentueuse. Mais cela était tout. On n’avait jamais pu déceler en elle une quelconque once de femme de savoir. Pouvait-elle se considérer comme étant une intellectuelle ? Sans doute serait-ce faire preuve de bien trop d’orgueil, mais l’enseignement qu’elle avait pris auprès de sa génitrice était plutôt vaste. Dans un premier temps, elle devait devenir la chef du clan, mais cela fut compromis par son manque de confiance en elle. Redirigée vers une place plus à l’ombre de conseillère à venir. Elle devait encore parcourir bien des chemins avant de s’établir à une telle place.

De toute évidence, la question qu’elle lui avait posée à propos de Crocodile semblait l’avoir rendu songeur. Yoruichi devait bien s’avouer déçue par cette réponse manquant totalement de substance. Elle était des plus surprise de constater que le Kazekage lui-même ne semblait pas avoir plus d’informations sur cet énigmatique conseiller. Ce n’était guère normal pour un être dirigeant les forces spéciales d’être aussi discret avec le Kazekage. Enfin, cela n’était à nouveau que l’avis d’une Juunin qui ne connaissait sans doute pas fort bien les circonstances. Mais cela était anormal, glaçant son estomac, elle ne pouvait concevoir qu’il y ait autant de secrets entre ces deux personnes. Après tout, Crocodile était puissant, assez sans doute que pour être apte pour renverser Gaara, surtout si ce dernier parvenait à détourner les Gensens de leur Kage pour les tourner vers sa propre personne. Cela pourrait être à l’origine d’une guerre interne des plus terribles, ravageant définitivement les forces qu’il pouvait rester à Sunagakure.

Pensait-elle à entrer dans les forces spéciales ? Non, pas vraiment. Elle n’y avait après tout jamais songé, cela ne l’avait jamais intéressée par le passé. Son intérêt se portait plutôt vers ce Colosse Balafré qui la perturbait tant. Elle n’éprouve que de la crainte à la vision de cet homme, cela allait sans dire.

Yoruichi : « Je n’y ai jamais songé, après tout, pour y appartenir, il faut soit exceller dans un domaine bien précis, soit avoir développé une capacité décrite comme spéciale …Je ne possède rien de tout cela …pour l’instant. »

En effet, depuis quelques semaines, elle pensait maintenant à espérer avoir du temps libre pour tenter quelque chose. Elle ne maîtrisait que peu de choses, le Taïjutsu et le Fuuton. De plus bien des histoires lui avaient été rapportées de ce talentueux Raikage ayant mélangé un Taïjutsu de force brute avec l’élément Raiton. Elle se demandait si elle ne pouvait pas, à son tour, combiné un élément à ses coups physiques, après tout, si ce dernier en avait été capable, avec persévérance, elle pourrait se piquer de le faire.

Sa question n’avait pas trouvé de réponse orale. Mais elle voyait bien qu’elle venait de donner à réfléchir à son Kazekage avec cette petite citation qui lui était venue. Peut-être viendrait-il vers elle pour saisir la véritable réponse. Mais cela n’était pas de son ordre, après tout, il était son chef, elle devait lui être soumise et non pas lui donner des leçons. Un petit sourire étira son visage, elle se sentait bien dans cet atmosphère, en effet, le luxe lui avait toujours plu, tout comme une discussion tranquille face à un thé chaud. Prenant une nouvelle lapée de ce liquide, elle se détendait petit à petit, surveillant tout de même du coin de l’œil Gaara. Puis celui-ci coula sur la jarre de celui-ci, posée non loin de sa personne avant qu’elle ne s’intéresse à son propre éventail. Il s’était déchargé de ce point, tout comme elle pour être à l’aise, mais est-ce que ces charges n’étaient pas précisément la différence de responsabilité de chacun ? Cela était fort probable et elle pouvait constater à quel point sa charge était infime par rapport à celle de cet enfant. Se sentait-elle capable de prendre plus de responsabilités que celle d’une équipe ? Pensait-elle vraiment pouvoir évoluer chez les Gensens ? En l’état des choses, cela était tout simplement impossible, elle était trop faible autant physiquement que mentalement.

Yoruichi : « En effet, cela fait un moment à présent que j’y pense … »

Elle se faisait quelque peu hésitante, elle n’avait jamais vraiment parlé de ce projet à personne, pas même à sa génitrice qui pourtant la connaissait mieux que personne. Non, cela avait toujours été son petit espoir depuis qu’elle était Chuunin, pourtant, maintenant, elle pensait pouvoir être apte à réaliser cet espoir qui n’avait été que trop longtemps utopique. Rivant son regard dans celui de Gaara.

Yoruichi : « J’ai beaucoup entendu parlé de ce Raikage étant Juunin, qui mélange le Taïjutsu et son Raiton, ce qui fait apparemment une grande partie de sa puissance … »

Légèrement rougissante, elle se sentait mal à l’aise de comparer ce qu’elle voulait créer à cet homme qui avait tant prouvé de part sa force destructrice. Yotsuki Ei était sans doute un modèle pour beaucoup de Shinobis, il avait suffisamment impressionné que pour même être reconnu par des utilisateurs du Taïjutsu ici, à Sunagakure.

Yoruichi : « Mon but est de faire pareil … J’aimerais pouvoir mélanger mon Taïjutsu avec le Fuuton ! »

Ses propos étaient hésitants, légèrement bégayant, mais face au regard qu’elle lançait à Gaara, on ne pouvait douter que son but était réellement d’y arriver et ce par tous les moyens possibles. Elle était prête à souffrir, elle était prête à encaisser bien des échecs pour autant qu’elle parvienne au but qu’elle venait de s’imposer. Après tout, il était temps qu’elle se prenne en main et qu’elle commence rapidement l’entraînement qui ne tarderait à la mener le plus haut possible. Elle voulait réellement protéger ces pierres ayant construits le village du sable, ces pierres regorgeant de la mémoire de la vie qu’elle avait pu mener jusque là.

La proposition que venait de lui faire son Kazekage la laissait quelque peu pantoise. Venir voir l’un de ses entraînements était déjà une chance, ainsi prendre de son temps pour voir les progrès de ses Shinobis était un acte assez honorable. Mais de là à se mêler pleinement à cet entraînement ? Sa surprise était grande. Gênée, elle se tortillait quelque peu dans son fauteuil, avant de finir son thé d’une traite comme pour se donner du courage.

Yoruichi : « Participer ? Mais vous risquez peut-être d’être blessé … N’est-ce pas trop dangereux, malgré votre défense du sable ? Je suis tout de même une personne assez …rapide, bien que je n’arrive sans doute pas à votre niveau Kazekage-sama. »

Légèrement rouge, elle ne voulait en aucun cas déprécier son interlocuteur, mais de part son grade de Juunin, elle était considérée comme étant une Kunoichi de qualité, qui de ce fait était peut-être capable de blesser, superficiellement dans le meilleur des cas son Kage.