[ Chasse ] Double duo - Frangins contre Kiriens

Chaud. Il faisait indéniablement, totalement, et définitivement bien trop chaud dans cette saleté de pays du Vent. C’était une chose que Chôjuro n’avait jamais compris. Le pays du Vent, il devrait y avoir du vent pour rafraichir d’une façon ou d’une autre, et pas uniquement des foutues rafales de sable qui vous fonçaient au visage pour s’infiltrer dans la capuche que vous avez prise spécifiquement pour éviter d’avoir à vous coltiner un rince-bouche des plus granuleux. Ce qui finissait par être d’un ennui qui avait tout pour massacrer l’humeur d’une personne, même de bonne humeur au départ. Ce qui était le cas de l’épéiste dans le moment présent. Car il fallait dire que le paysage des alentours n’avait pas réellement grand-chose pour être invitant ou beau à regarder, à la base. La seule végétation qui poussait dans ce genre d’endroit se constituait de petites cimes rabougries qui arrivaient parfois à pousser de façon sommaire, pour survivre d’une façon devenue totalement pathétique. Autant dire que les arbustes dépourvus de verdure qui poussaient avec peine dans le coin, étaient à peine assez bons pour servir de réserve de cure-dents, tellement ils devaient être encastrés de sable, comme pour rajouter à leur apparence pitoyable. Mais c’était le désert du pays du Vent. Les pierres étaient aussi brulantes que si on les avait passées dans un feu vif, le soleil tapait au point qu’on avait l’impression de recevoir un coup de masse à chaque minute alors que les rayons tapaient dur sur la tête de tous ceux qu’il trouvait, qu’ils soient protégés ou non. Ainsi donc, dans ce cas précis, la cape de Chôjuro, alliée à l’air renfermé à l’intérieur de son masque de toile empêchant (supposément) le sable d’entrer dans sa bouche, ces deux détails n’avaient rien pour lui faire plaisir, alors qu’il aurait sans doute suffoqué s’il n’avait pas déjà visité ce genre d’endroit au moins une fois auparavant. Comme s’il allait se laisser distraire par la chaleur du Pays. Seul un crétin pouvait se faire avoir de façon aussi stupide. Il laissait ça aux autres.

Il marchait depuis quelques minutes, depuis le moment où il avait cessé de voyager à grande vitesse, de façon à mieux voir les alentours, et non survoler sommairement pour ne voir que la couche du dessus des apparences. De toute façon, il aurait sans doute été repéré et possiblement confondu avec un ennemi, en passant près de Suna. Alors autant simplifier les choses et terminer le trajet à pied, quitte à subir un peu de la chaleur des environs du Village Caché du Sable. C’était un bien petit prix à payer pour avoir une collecte d’informations bien plus constructive et productive. Quoique… finalement, c’était à se demander quelle information il avait réussi à obtenir en marchant dans le désert jusqu’à maintenant. Autrement dit, il faisait chaud, l’air était sec, le soleil tapait fort, et il marchait comme un imbécile dans ces belles conditions de rêve… Mais passons par-dessus ces dites conditions, pour se concentrer sur ce qui importait dans l’immédiat : la raison de sa présence ici. Arrêtant sa progression au bout d’un moment, l’épéiste jaugea le terrain autour de lui. Ils devaient être à environ une dizaine de kilomètres de Suna, qu’ils pouvaient apercevoir au loin, de leur position sur les dunes les plus hautes du coin. Oui, ‘’ils’’, car le jeune homme de Kiri n’était pas venu seul en ces terres bien éloignées de celle d’où il migrait. Pas vraiment qu’il ait fait le choix particulier de cet individu qui l’accompagnait, à vrai dire. En fait, pour être tout à fait honnête, on lui avait annoncé sans grand préavis qu’il allait faire équipe avec quelqu’un pour une chasse. Il en avait demandé une, on lui en avait donné une double, nécessitant un partenaire. Mais sérieusement…pourquoi il devait se coltiner cet enfoiré de Shinku dans les fesses pour aller combattre des criminels ninjas endurcis? L’épéiste se retourna vers son ‘’acolyte’’ après un soupir discret dans le tissu qui recouvrait sa bouche – lequel fut baissé pour laisser place à un éventuel dialogue -, et l’observa un court moment avant de prendre la parole.

''…Alors, on commence par quoi? Tu veux qu’on aille à Suna directement?’’

Sans doute allait-il se prendre une série de conneries s’apparentant à un vent des plus monstrueux en pleine figure, mais la coutume et l’esprit professionnel impliquait de demander l’avis du partenaire. Même si le simple fait de faire un partenariat avec cet éternel tête de fion ne représentait rien d’autre qu’une envie de gerber pour Chôjuro. Rares étaient les personnes qui arrivaient à se hisser si haut dans l’échelle de dépit de l’épéiste, et pourtant ce type y gardait une place bien au chaud depuis longtemps. Sa seule manière d’être en faisait un être tout bonnement exécrable et très désagréable à côtoyer. Enfin bref, inutile de s’attarder sur ce genre de futilités.

''…Le mieux serait peut-être de fouiller pour voir s’il y a des oasis dans le coin, non? C’est un endroit idéal pour se dissimuler.’’

Encore une phrase qui passerait sûrement dans le vide, mais elle était dite maintenant, alors autant la laisser là où elle était. De toutes façons, il allait bien falloir qu’ils se parlent un minimum s’ils voulaient garantir le bon déroulement de la chasse. Bien que cette idée fut fort dégoutante dans l’esprit de Chôjuro, lui et l’Oi-nin étaient relativement bien en duo, étant donné que leurs compétences au combat étaient réellement complémentaires. L’épéiste avec la maîtrise du Taijutsu et du Suiton en quantité respectable, et l’Oi-nin expert en Genjutsus. Un mélange puissant et dangereux lorsqu’il était bien calibré, c’était évident. Mais le seul fait de leurs compétences ne leur garantissait pas pour autant la victoire sur n’importe quel ennemi. Toujours est-il que dans l’immédiat, ils allaient devoir commencer par se renseigner dans les environs pour en connaître plus sur ceux qu’ils chassaient. Chôjuro regarda la fiche des deux nukenins encore une fois. Haguo et Naguo, déserteurs de Suna, disparus après avoir vraisemblablement dérobé le secret de plusieurs techniques uniques à leur village. Un joli petit boni de retraite préventive, en somme. Il faudrait voir à se renseigner aux bonnes personnes. Mais en attendant…il allait falloir attendre la réaction de l’autre enfoiré éternel qui n’avait toujours pas soufflé un mot derrière lui. Question de manières.

La chaleur du désert était une saloperie sans nom que Shinku n'avait jamais pu blairer, de près ou de loin, et plus encore que pour la grande majorité si ce n'est la totalité des êtres vivants, il méprisait les gens assez dérangés mentalement pour vivre là-dedans. Se brûler la peau à stagner toute l'année dans cette fournaise ne pouvait qu'être la démarcation de carences mentales préoccupantes que les rayons du soleil n'arrangeaient pas, tapant sur les caboches avec la délicatesse d'une massue taillée dans la pierre maniée par un troll. Et ce avec toute l'indélicatesse et la virilité dans le geste que cela implique. Dans tous les cas, son manque total de tolérance pour la chaleur montée en flèche depuis qu'ils avaient posé les pieds dans ce gargantuesque bac à sable pour affronter son vent chaud et ses grains s'infiltrant par tous les pores de la peau finirait par le faire craquer avant l'heure. Il y avait tout intérêt pour ceux qu'ils étaient venus chercher à ce qu'ils soient en forme, sans quoi il les démembrerait sans plus faire montre de pitié qu'en faisant brûler une fourmi par l'intermédiaire d'une loupe sous ce même soleil de plomb qui ravageait sa peau blafarde tandis que ses habits s'alourdissaient des émanations de l'endroit qui y étaient projetés.

Non contents de s'enfoncer dans les dunes tant par leur marche que parce que leurs pieds s'y enlisaient jusqu'au mollet, les intervenants de la Brume Sanglante ramèneraient chez eux un authentique souvenir de ce passage sur les terres du vent qu'il ne réitérerait pas de si tôt : ce fichu sable brûlant qui était en train d'entrer par toutes les ouvertures pratiquées dans les étoffes pour venir l'incommoder plus qu'il ne l'était déjà de nature. Son caractère irascible et insociable de la tête aux orteils que tous avaient appris à connaitre par cœur ne faisait que se galvaniser sous la colère noire qu'ébauchait cette intrusion qu'il n'aurait pas du avoir à subir. Qu'est-ce qu'il foutait là, au juste ? Contenir sa fureur lui demandait toute sa présence d'esprit et sa concentration, tant et si bien qu'il en venait à oublier momentanément ce qui l'avait poussé à risquer sa peau dans cet avant-goût de l'enfer – ou encore d'une proximité volcanique flirtant avec une éruption imminente. Ah ! Ça lui revenait, entre deux promesses de meurtres sanglants marmonnées dans sa cape rouge qui le rendait aisément repérable au milieu de ce relief doré qui allait finir par les assécher sur place avant qu'ils n'aient pu toucher au but. Et tout cela n'était que le constat naturel de ce qui incombait à l'insouciant qui poussait sa promenade au milieu de ces braises ardentes.

Même les semelles ne faisaient pas barrage à l'étouffante fièvre aride contaminant ces contrées et il avait depuis longtemps du s'accoutumer aux brûlures que porteraient ses pieds pour la durée de ce séjour en territoire hostile – et ce sans que les autochtones aient besoin d'y mettre leur grain de sel. Comme quoi Suna n'avait pas besoin de bénéficier de l'assistance de protections artificielles pour assurer sa défense contre d'éventuels agresseurs : le contexte dans lequel il fallait évoluer pour aller jusqu'au village en lui-même avait de quoi dissuader tout porteur de mauvaises intentions dès la première minute de son insertion dans ce décor flamboyant. Pour ce qui est de prendre des vacances, on avait fait mieux, et même la perspective d'une ennuyeuse partie de pêche avec l'un des vieillards de Kiri paraissait plus palpitante et réjouissante que de faire face aux affres de la combustion qui paraissait pouvoir se saisir de leurs corps suant à grosses gouttes dans les méandres d'une canicule qu'ils n'étaient pas près de quitter. Chienne de vie. Rien que pour ça, il aurait bien eu envie de faire valoir son surnom de monstre en allant terroriser ses concitoyens plutôt que de se risquer à errer plus longtemps ici, à se demander ce qui lui serait infligé en premier lieu entre la démence et la déshydratation du fait des conditions climatiques désastreuses d'ici pour qui vient d'un milieu naturellement humide.

Le contraste était dur, plus encore qu'un parpaing lancé à vitesse maximale et reçu en pleine gueule, mais il devait faire avec et rien que pour ça ne nourrissait qu'une soif de sang accrue dont auraient à faire les frais les fugitifs qu'ils avaient pris en chasse. Car c'était bien là la seule et unique raison de cette abnégation qui les avait fait se comporter en parfaits petits suicidaires, à un tel point qu'ils n'auraient pas mieux agi s'il y avait eu un manuel dédié sur ce thème. Ses pulsions meurtrières déjà légendaires d'origine atteignaient leur summum dans de telles conditions et ce n'était fait que pour lui donner toutes ses chances contre les vermines après qui leur joyeux duo désassorti en avait, endossant pour le compte l'emploi de dératiseurs dévoués et prêts à tout pour faire leur boulot dans une joie et une bonne humeur morbide. Du moins pour le vampire, qui était à deux doigts de se tranquilliser en égorgeant net son compagnon de route pour récupérer un zeste de calme dans le tourbillon destructeur qui s'emparait de son corps et de sa conscience, lentement mais sûrement, pour en faire une bête affamée qui n'aurait de répit qu'une fois rassasiée. Se retenir de mettre en application ce plan visant à se sustenter jusqu'à ce qu'il déniche son plat principal était un effort novateur de sa part et s'il en avait été averti, la moindre des politesses de la part de Chôjuro aurait été de le remercier de tant d'élégance.

Mais bien évidemment il ne pouvait s'en rendre compte à moins de mener une insertion mentale, et sa tête de pioche avait beau être celle d'un premier de la classe il n'en était pas moins trop imbuvable de par son physique ingrat que pour même être apparenté à une telle aptitude. Et puis en toute honnêteté, quel besoin aurait-il alors de trimballer avec lui l'énorme paquetage qui ornait un dos bien trop frêle pour le porter ? Cela ne tenait pas debout – pas plus que ce ne serait leur cas s'ils devaient batifoler une heure de plus entre le grès et les mirages. Rabaissant le large bord de son chapeau qui l'était tout autant pour préserver tant que faire se peut l'ombre qui le cachait de l'offensive intense de cette lumière du jour trop corrosive à son goût, version exacerbée de la crainte des buveurs de sang vis à vis de cette nuisance, il finit par se rendre compte après l'avoir ignoré plusieurs minutes que la crevette myope se tenant à ses côtés lui avait adressé la parole. Du haut de ses quelques têtes de plus dont il le dominait du tout au tout – non pas qu'il ne le sache pas déjà – le chasseur se pencha pour surplomber de son ombre son microbe de compagnie. Au moins lui pourrait-il se vanter d'avoir une part d'obscurité supplémentaire à l'aide de la silhouette du titan tout de rouge vêtu qu'il avait à ses côtés pour mener l'enquête, et ainsi finir par apprendre où étaient allés s'enterrer les macchabées en sursis qu'ils coursaient.

« Non, bien sûr que non, je préfère continuer à me dorer la pilule sur la plus gigantesque plaque de cuisson naturelle au monde ! Tu veux pas qu'on rajoute de l'huile de friture tant que t'y es demi-portion, qu'on soit cuits à point avant d'avoir pu éventrer ces crevures ? »

D'un geste rageur, il épousseta sa tenue écarlate, faisant virevolter sous les bourrasques les innombrables parcelles de l'étendue qui s'étaient instillées dans chaque pli des textiles qu'il avait l'habitude d'endosser chaque jour. Ses parties de chasse ne faisaient pas exception, quand bien même un tel apparat devenait bien vite plus un lest qu'un accoutrement à part entière dans des circonstances aussi désavantageuses que celles qu'ils rencontraient dans leur marche loin d'être à l'ombre.

« Sans rire, tu crois vraiment qu'il y a une seule goutte de flotte dans ce foutu désert ? Il fait plus chaud que dans un four là-dedans, et à moins de t'ouvrir les veines y'a pas une chance qu'on finisse par mettre la main sur quoi que ce soit qui se boive, pauvre crétin. »

Incisif ? Certains pourraient le dire. Et ils auraient tort. Invectiver si vivement était même plutôt affectueux de la part du chef de l'unité de poursuite et d'élimination des déserteurs, si tant est qu'on avait à l'esprit d'en faire la comparaison avec son vocabulaire fleuri de tous les jours. On pouvait même dire qu'il se retenait de perdre le contrôle d'une telle force qu'il en devenait plus civilisé. Autant en profiter, ça ne durerait pas et l'escrimeur était le seul à pouvoir jouir de cette occasion en or, de cette retenue d'exception purement involontaire. Tout comme avait de fortes chances de l'être leur découverte de l'aiguille qu'ils étaient venus quérir dans cette botte de foin capable de faire sauter le plus robuste des thermostats par sa seule évocation dans une conversation de la vie courante...

Et voilà, cet emmerdeur remettait ses conneries sur le tableau. C’était à croire que même à son âge, chaque jour ajouté à son existence ne faisait que le rendre de plus en plus chiant. Putain de râleur sans limite, il fallait toujours qu’il trouve à redire. Sans compter qu’entre ses mains, le sarcasme devenait une arme apte à transpercer une montagne, carrément. Ce type aiguisait sa langue avec le temps, et au vu de ses années de quadruple péquenot au compteur, ça ne faisait que démontrer à quel point il pouvait carrément vous trancher la gorge avec une mauvaise farce. Encore heureux que l’épéiste ait prit l’habitude de se faire rabrouer pour chaque mot sortant de ses lèvres. Cet espèce de chiure d’Oinin vampirique se faisait un devoir de punir chaque syllabe franchissant le pas de sa bouche, alors à force on finit par s’y faire et s’en foutre un peu. C’est sa façon de dire qu’il aime les gens. On emmerde ceux qu’on aime, comme dit le proverbe. Si ce proverbe était vrai, alors Shinku aimait un foutu paquet de personnes à travers le monde entier. Mais là n’était pas la question. La question était de savoir par où aller avant de se mettre à grésiller au naturel comme deux crêpes liquides sur un poêlon.

Ainsi donc, ce type était assez con – ou assez emmerdé par le soleil, au choix – pour jurer sur la dernière mention de l’épéiste, à savoir la présence d’oasis dans l’étendue du désert du Pays du Vent. Soit il n’avait jamais lu ne serait-ce qu’une carte de géographie de ce pays – ce qui ne serait pas vraiment une surprise, honnêtement -, soit il ne voulait juste même pas se donner la peine de songer à peut-être considérer ce fait pourtant vital à la survie de nombreuses formes de vie squattant le désert. Le jeune garçon alla s’éclaircir la gorge l’espace d’une instant, réajustant par la suite ses lunettes en se retournant à moitié vers son acolyte plus que désagréable.

''…Pour ton information, Shinku, ce sont les ninjas du Pays du Vent qui ont disséminé des oasis dans le désert. Ça fait en sorte qu’ils ont une chance supplémentaire de ne pas terminer en steaks grillés à point sur le sable s’ils venaient à rencontrer des difficultés. Renseigne toi un peu avant de partir en mission, ça t’aidera.’’

Plusieurs auraient pu, en regardant la reprise de cette réplique, commencer à douter de la volonté de l’épéiste envers le fait de sa propre survie. Après tout, il était en train de s’adresser à un Oinin à l’humeur exécrable au naturel, vieux de plusieurs centaines d’années, et au moral rendu tellement à vif à cause de la chaleur du pays qu’il aurait sans doute pulvérisé en miettes tout être vivant jaillissant près d’eux, histoire de se défouler un brin. Toutefois, et malgré le caractère fortement suicidaire en apparence de sa dernière réplique, Chôjuro croyait parfaitement en ce qu’il disait. Ce type ne se renseignait pas avant une mission, il se faisait dire les détails en chemin. Ninja d’expérience mon cul, ouais.

Toujours était-il qu’ils allaient devoir trouver un endroit où recueillir des informations, s’ils ne voulaient pas rester immobiles trop longtemps sous cette chaleur digne des volcans. Scrutant les environs en mettant ses mains en visière afin de dissimuler au mieux l’astre solaire sadique qui les défonçait à coups de poing, le combattant finit par repérer quelques formes mouvantes un peu plus loin dans les dunes, à quelques dizaines de mètres. Une première chance de se renseigner, en espérant que Shinku n’allait pas les défoncer à vue pour passer ses nerfs.

''…Allez viens, on va essayer de s’informer auprès des types là-bas.’’

Sans même laisser le temps à son acolyte de formuler une réponse ou une action pour lui défoncer la gueule en rapport avec sa précédente claque au visage sous forme verbale, l’épéiste décolla en direction du groupe qu’il avait désigné. Avec un partenaire comme Shinku, si vous lui laissez le choix, vous pouvez être sûrs qu’il va faire le choix de fois faire chier. Alors ne lui laissez pas le choix. En attendant, restait à espérer que le groupe vers lequel il se dirigeait saurait les aider un peu. Finir sa carrière en flaque d’eau dans le sable, c’était pas encore dans ses projets d’avenir.

« J'ai l'air d'en avoir quelque chose à foutre ? »


Réponse qui avait pour elle d'être sans équivoque. Il fallait l'admettre, Shinku, on peut ne pas l'aimer, mais au moins il est de ceux qui n'ont pas honte d'afficher clairement leurs opinions et ce avec les termes les plus appropriés – souvent injurieux, certes, mais ce n'était qu'une mise en forme personnalisée. Et force est d'avouer que si ses connaissances n'étaient pas au plus haut malgré une science infuse remarquablement bien cachée derrière une personnalité ayant dépassé depuis longtemps le simple stade de l'irascibilité, il avait collecté au fil des décennies un vocabulaire fleuri plus fourni que la liste des prétendants de la Mizukage. Et dire que celle-ci était longue ne serait rien de plus qu'un doux euphémisme, pour ne pas se le cacher. Définitivement, il en arrivait à la conclusion qu'on aurait du l'envoyer seul faire la peau aux sales types qu'on lui avait renseignés au bureau avant qu'il ne se mette en mouvement, ce qui lui aurait épargné quelques pulsions meurtrières superflues envers son compagnon de route. Et celles-là, à moins de circonstances exceptionnelles et d'une autorisation improbable, il ne pourrait les assouvir. Bah ! Il se rabattrait sur les futurs macchabées, qui, soit dit en passant, le deviendraient dès qu'ils auraient franchi le seuil de ses griffes. Un vrai piège tendu en permanence n'attendant que de se refermer sur une cheville imprudente pour ne plus la lâcher de ses lames d'acier.

La métaphore était bonne, à ceci près que ce n'est non pas un mécanisme primaire qui les empêcherait de filer mais bien l'étreinte de ses crocs refermés sur une jugulaire pleine à craquer de sang cuit à point par le climat local. Il fallait au moins lui reconnaitre cet avantage : son breuvage de prédilection serait toujours à température ambiante où qu'il soit au pays du vent, et c'était bien la seule compensation qu'il puisse citer face aux incalculables désagréments qu'ils rencontraient depuis qu'ils y avaient fait leur entrée. Et tout laissait à penser que ce n'était pas fini, à commencer par l'absence des bandits recherchés dans sa ligne de mire immédiate et de l'apparente difficulté qu'ils allaient avoir à refermer leurs filets sur eux pour leur régler leur compte comme demandé. Un festin de roi qui ne devait pas trainer bien loin mais demeurait insaisissable. Ils ne perdaient rien pour attendre, et pouvaient bien profiter de leur dissimulation tant qu'elle durerait... Ensuite, ce serait trop tard et ils deviendraient le plat de résistance d'un diner qu'il attendait depuis de trop nombreuses heures déjà. Pour combler sa forte carence en hémoglobine sur le point de faire lâcher le peu de remparts dressés entre lui et sa folie ne demandant qu'à pouvoir poindre sous les symptômes évidents d'un manque croissant, il se mit ) fouiller dans ses poches comme il le faisait à intervalles réguliers depuis qu'ils étaient entré dans ce four à l'échelle de quelques dizaines voir centaines de kilomètres.

Fumer cigarette sur cigarette n'était assurément pas bien sain mais étant immortel, on ne pouvait pas dire qu'il était supposé s'en soucier. Cela dit, celui qui devait s'y intéresser davantage était sans doute son camarade, surtout s'il ne pouvait pas supporter l'odeur âcre de la fumée et du tabac qui s'embrase en quelques doux crépitements. Se plaindre n'aurait aucun bénéfice puisque le vampire n'arrêterait pas pour l'unique raison qu'on lui ait demandé gentiment et enverrait même sur les roses la personne qui aurait formulé cette requête, mais au moins le binoclard pourrait-il se vanter d'avoir eu le cran d'essayer. Mais non. Et puis ce n'était qu'un juste retour pour toutes les jérémiades qu'il avait eu à subir de la part de ce rat de bibliothèque muni d'un cure-dent plus impressionnant que lui depuis qu'ils avaient quitté leur point de départ, auquel le chasseur n'avait que trop hâte de revenir pour profiter d'un peu de fraicheur après avoir littéralement cuit sous ce soleil de plomb. Il ne pouvait hélas pas l'exécuter d'un revers de la main ; non pas qu'il doute de ses aptitudes, mais plutôt qu'il lui apparaissait âpre de faire apprécier la disparition de l'un des sept épéistes, qui plus est étant dans les petits papiers de sa supérieure hiérarchique. La seule personne à qui il avait à rendre des comptes en ce bas monde, songea-t-il pour se détourner de ses pulsions assassines avant qu'elles ne se mettent en pratique.

À vrai dire, tout ce qui aurait pu donner signe de vie dans les parages excepté son partenaire qui lui serait tombé sous la main aurait fini par étaler sang et tripes sur les dunes environnantes avant d'avoir pu glapir de terreur au vu de la lueur indéfinissable qui éclairait l'étrange couleur de ses prunelles. Un besoin inconditionnel de massacre et de sang. Il n'était pas rassasié, loin de là, et ne l'avait plus été depuis longtemps... Ses futurs adversaires avaient à craindre pour leur sécurité... Et pour leur vie. Le goût de la clope qu'il était en train de gaspiller à grandes goulées parvint presque à lui faire oublier les impolitesses proférées par le microbe à lunettes sous son nez – car il le surplombait et de loin, comme la plupart des membres affirmés du commun des mortels. Ca se paierait au prix fort, et il ne pouvait qu'espérer que l'escrimeur finisse en mauvaise posture contre le binôme aux trousses duquel ils étaient depuis leur arrivée dans ce no man's land de sable fin. Et si le choix ne lui avait pas été laissé sur ce coup-là, il avait la chance d'avoir été le premier à empocher les images correspondant aux individus après qui ils couraient depuis tout ce temps. Dominant de toute sa hauteur le regroupement hétéroclite qu'ils venaient de croiser, le titan tira de sa poche aussi écarlate que le reste de sa tenue les clichés en question pour les mettre sous le nez des intéressés sans autre forme de procès, d'un geste si sec qu'il manqua de coller ses phalanges au fond du visage de l'un d'eux. Ce qui n'aurait pas été pour lui déplaire, mais il pourrait toujours se rattraper s'ils n'arrivaient pas à se montrer assez coopératif à son goût... Ce sur quoi il risquait de tricher un peu même s'ils venaient de tomber sur un puits d'information incarné.

« Vous auriez pas vu ces types ? Je vous conseille de faire marcher vos neurones rapidement parce que si vous vous foutez de nos gueules vous aurez bien plus à craindre que d'oublier de mettre de la crème solaire. Alors, ça vient ou je dois vous motiver en vous faisant choisir entre cracher ça ou vos viscères ? »

C’était une surprise. Cette grande gueule s’était contentée d’une réplique de base, pour ensuite le suivre sans faire d’histoire. À croire que les miracles existaient encore de nos jours, c’en était un exemple plus que flagrant. Eh bien il n’allait certainement pas gâcher l’occasion, étant donné que le simple fait de courir devant l’autre énergumène multi-centenaire – sale péquenot – lui procurait une joie intense à lui seul. Et que ce vieux con aux allures de jeune chieur démesurément rallongé à force de coups de pieds au cul qui ne disait pas un mot en le suivant en plus? Là, c’en était presque jouissif, tellement la rareté de la chose en faisait un moment d’une valeur encore plus énorme que le plus gros foutu diamant cubique de cette terre. Savourant chaque pas qu’il faisait avec cette pensée en tête, l’épéiste eut tout juste le temps de faire dévier son pied, avant que celui-ci ne s’écrase directement sur le dard brandi d’un scorpion aussi noir que l’ébène, l’air menaçant. Il n’était certes pas un expert en ce qui concernait la faune locale, mais il était tout de même assez intelligent pour savoir qu’on ne marche pas sur un scorpion, en particulier lorsqu’on tient à rester en vie au possible.

Au bout d’une minute de course simultanée, les deux kiriens finirent par arriver au niveau des deux bédouins qui avançaient avec leuteur et calme dans le sable fin et brulant du désert qui les entourait. On ne pouvait pas voir leurs visages, étant donné qu’ils avaient adopté l’accoutrement classique des voyageurs habitués de la zone, à savoir des tas de vêtements facilitant l’aération et l’isolation. Eux au moins ne risquaient pas de finir en steaks grillés à point sur le sable plus chaud qu’une mer d’eau bouillante. C’en était insupportable, tout ce bordel. Une fois qu’ils furent arrivés à la hauteur de leurs éventuels informateurs de fortune, Chôjuro voulut prendre la parole, mais fut visiblement devancé par son compère, qui alla brandir sans autre forme de présentations la feuille de recherche des deux types qu’ils cherchaient. S’ils avaient été dans une bande dessinée, la gigantesque goutte d’eau pendouillant sur la tempe de l’épéiste aurait sans doute suffi à inonder ce désert en entier. Oui, il savait d’avance que Shinku et la subtilité, ça ne faisait pas bon ménage…mais arriver sans crier gare et leur dire de cracher des informations sous peine de recracher leurs boyaux? C’était une méthode qui n’avait pas l’habitude de plaire au jeune homme. Aussi s’avisa-t-il de mettre la main sur le bras tendu de son compagnon vampirique, faisant descendre le niveau du membre en question d’un bon mètre pour redonner un champ de vision décent aux deux individus interpellés…de façon très peu courtoise, il fallait l’avouer.

''Comme l’a si bien dit mon…compère ici présent, nous recherchons les deux types qui apparaissaient sur le papier qu’il vous a montré. Nous aurions affaire à eux pour des questions d’ordre personnel.’’

Si cette grande gueule d’immortel à la con osait relever ce qu’il venait de dire, il se prendrait un pain dans la gueule pour la première fois depuis plusieurs décennies. Et tant pis si sa figure tombait en poussière sous la force de l’impact, ça lui apprendrait. Mais fort malheureusement, il dut interrompre là ses pensées, pour prêter attention aux quelques propos de l’un des nomades.

'’Pourquoi voudriez-vous donc vous frotter à des types de ce genre? Ils sont connus de certains marchands illégaux dans le coin, ce n’est pas le genre de personne très recommendable.’’

Et voilà, ils commençaient déjà à poser des questions à développement, comme s’ils avaient réellement le temps de se pencher sur la question. Déjà que le simple fait d’avoir même songé l’espace d’un quart de seconde à dire le mot ‘’ami’’ en parlant de Shinku lui avait filé des envies de gerber, il allait falloir qu’il s’attarde à répondre à toutes les questions que lui posaient les énergumènes qu’il interrogeait? Nan, il n’était pas là pour faire des échanges de conversations, fort malheureusement. En d’autres occasions, il se serait sûrement donné la peine de répondre correctement. Mais en ce moment, il savait pertinemment que Shinku viendrait foutre la merde de toutes façons, s’il tentait de faire preuve de tact. Ce vampire, enfoiré en puissance, serait sans doute foutu de défoncer la gueule du type qui avait posé la question, pour ensuite suspendre l’autre par les couilles jusqu’à ce qu’ils obtiennent une réponse. Quoique…vu leur état d’empressement et leurs humeurs respectives toutes deux rendues exécrables à coup sûr par la chaleur des environs, c’était peut-être la solution, aux finales. Sans répondre à la question du nomade, l’épéiste se contenta curieusement de relever la tête derrière lui d’un air résigné, fixant Shinku d’un air qui signifiait une chose qu’il ne disait jamais, et pensait encore moins en temps normal.

Une expression qui disait ‘’Shinku, tu peux t’occuper de ça?’’.

Qu'est-ce qui pouvait bien réussir à le tenir en laisse ? Le vampire lui-même n'en savait rien. En réalité, il s'agissait d'une forme diffuse de ce qu'on pourrait appeler la conscience professionnelle ; il ne voulait absolument pas causer de tort à la mission. Non pas pour le bien de Kiri qui la lui avait confiée mais pour ne pas avoir à prolonger son séjour dans ce four grandeur nature qui aurait tôt fait de le changer en bâtonnet de viande séchée géant si la main du tout-puissant ne finissait pas par baisser le thermostat local. Autant dire qu'y croire revenait à espérer qu'il se lime les crocs, ce pourquoi tous ceux qui avaient osé en formuler la demande pourraient toujours courir s'ils étaient encore de ce monde. Aussi fut-il aux anges quand il entendit le studieux gamin censé lui servir à la fois de chaperon et de bonne conscience lui demander de s'occuper du cas des péquenots qui les prenaient pour des billes et ne faisaient que retarder l'échéance d'une quête déjà assez pénible comme ça. Et qu'ils mettent leur grain de sel dans l'équation n'était non seulement pas prévu au programme mais en plus extrêmement irritant, puisque venant s'ajouter au nombre effarant de dunes qui les cernaient depuis leur débarquement dans ce contexte radicalement différent de tout ce qu'ils avaient connu. La bribe de trop, celle qui fait déborder le vase, ou plutôt le bac à sable dans le cas présent. Le buveur de sang pouvait désormais pleinement considéré que tout ce qu'il allait infliger à ces malheureux gueux le serait fait à bon escient et avec l'approbation de celui qui avait pour rôle de lui servir de garde-fou et de limiter sa folie meurtrière – soi-disant, en tout cas.

Car plus il le regardait, plus Shinku doutait de la capacité du marmot à l'arrêter s'il venait à péter les plombs littéralement au milieu de ce vide si sidéral qu'il aurait pu se croire en pleine voie lactée sans cette chaleur étouffante qui lui tapait sur le système depuis le commencement de tout. Il n'accordait même plus une seconde de ses pensées à ce qui l'avait mis sur le chemin de cette fournaise ni même ce qu'il y recherchait exactement : tout disparaissait dans le brouillard couleur de rouille de cette chaleur rougeoyante qui le rongeait de l'intérieur, attaquant son mental et minant sa raison pour le laisser sur le point de craquer depuis de nombreuses heures déjà. Et voilà que ces informateurs ne voulant guère se plier à la seule utilité qui leur était pourtant attribuée lui apportaient sur un plateau d'argent de quoi se défouler. À savoir, leurs tronches enfarinées. Les trouvant déjà antipathique avaient même qu'ils aient décroché un mot pour leur laideur incalculable, il ne pouvait que se réjouir d'avoir un motif aussi léger soit-il pour rectifier le tir de Mère Nature de quelques torgnoles bien placées. Si en plus bénédiction était obtenue à propos de cette légère dérive, on ne pourrait en définitive pas lui en vouloir puisqu'il ne serait pas responsable, l'autorisation lui étant délivrée de donner libre cours à son imagination macabre pour convaincre ces touristes de cracher le morceau avant qu'il ne se mette en but de les y aider par tous les moyens laissés à sa disposition. Et ça en faisait un joli paquet. Pour avoir été maintes fois torturé par le passé, il en connaissait un rayon quand il était question de faire sortir des vérités à une personne quelconque et il prenait un malin plaisir à se servir de ses talents pour briser moralement quelqu'un et lui donner la certitude qu'il sera meilleur pour lui de vider son sac dans les plus brefs délais.

Au moins pourrait-il rejeter la faute en accusant le sabreur si on venait à lui reprocher cet acte qu'il allait pourtant minimiser pour éviter toute mort par maladresse. Une méthode enseignée depuis la maternelle mais qui marchait toujours aussi bien même des années après, et laissait entrevoir que la société moderne ne différait guère de ces premiers balbutiements des hommes qu'ils étaient devenus depuis. Et qui se révélait d'autant plus jouissive quand la victime de cette redirection en venait à être lourdement lésée par le poids des fautes commises qui ne lui revenaient pourtant pas. Et en plus, le chasseur ne pourrait qu'avoir bonne conscience même en agissant selon ce mode opératoire enfantin puisque l'épéiste lui avait bel et bien dit de prendre les devants avec ce tas de débiles qui obstruaient l'avancée d'une enquête déjà bien assez pénible comme cela. Sans laisser au rat de bibliothèque la liberté de revenir sur sa décision par la fulgurance de sa réactivité, ravivée par la perspective des écoulements de sang qu'il allait pouvoir produire si les langues ne se déliaient pas très vite, il empoigna les deux hommes. Une fois la prise affirmée plus sur leurs gorges que sur les cols qui les entouraient, les oppressant par une strangulation d'une force que n'aurait pas pu laisser supposer la musculature absente du traqueur, ce dernier les souleva de terre avec la légèreté d'un fétu de paille. Qu'il était bon d'intimider... C'était un soulagement invraisemblable, au même titre qu'une vidange de vessie après de longues heures de route à devoir s'en abstenir.

« Bon les danseuses, vous allez ouvrir grand vos oreilles et écouter causer le monsieur, ça marche ? C'est pas qu'on en a plein le cul de votre désert à la con mais il me donne des envies de meurtre, encore plus qu'au naturel, alors je serais vous j'éviterais de me donner des raisons d'y laisser libre cours. On se comprend ou je dois vous faire une démonstration pour que ça entre bien dans vos crânes de piafs ? »

Ce faisant, ou plutôt disant, il les avait légèrement rabaissés sans pour autant leur rendre le luxe de toucher le sol, trouvant bien plus amusant de les voir battre des pieds dans le vide et suffoquer en raison de la forte tension qu'il maintenait sur leurs cous. Dire qu'il aurait pu les briser si facilement... Les humains étaient décidément trop fragile, ce qui faisait d'eux des jouets de piètre qualité dans la plupart des cas. Aussi préférait-il les cibles présentant pour lui un minimum de défi, ce qui avait originellement suscité son appartenance à la troupe de chasse de la brume sanglante puis son ascension au poste de chef. Tout simplement parce que plus il en avait et plus il en demandait. Oui... Il raffolait vraiment du parfum de la peur et des cris horrifiés de ceux qui se montraient encore si arrogants alors qu'il ne faisait que les pister, pour finalement se changer en chiffes molles mouillant leur pantalon un peu plus à chaque mètre franchi parmi ceux les séparant, suppliant pour qu'il leur laisse la vie sauve... Ce qui était généralement la chose à ne pas faire, la pression sur la gâchette. Un suicide direct, mais loin d'être net et sans bavures, ce qui se comprend au vu de celui qui s'en faisait alors l'exécutant...

Réprimant son envie de reproduire les habituels étalages écarlates sur la couleur ambrée des dunes, il se contenta de laisser luire dans la clarté du jour ses canines affutées, fixant droit dans les yeux les individus qui se mettaient en travers de leur route par un intérêt qui n'aurait jamais du leur effleurer l'esprit. La traduction de tout ceci se résumait à « répondez à la question, ou nous ne garantissons plus votre sécurité », le tout en moins courtois, à l'évidence. Suant à grosses gouttes et craignant manifestement que cette mise en scène aille plus loin et que le croque-mort les tenant à bout de bras souhaite pousser le vice au-delà de l'extrême limite, l'un d'eux se mit à pointer du doigt une direction, fébrilement, ses forces s'amenuisant de même que le peu de respiration qui lui était concédé par la poigne de fer du géant lui faisant subir ce traitement plus efficace qu'un sérum de vérité injecté en dose disproportionnée. Estimant cette indication satisfaisante, il les relâcha sans plus de fioritures, les laissant retomber lourdement sur un sol instable qui n'attendait que de les accueillir pour les ensevelir sous sa surface variable, entrainant une toux doublée par le sable ingéré. Une fois ses gants époussetés comme s'il venait de se défaire du contact d'un vulgaire détritus, ce qui ne s'éloignait point de son opinion sur les victimes qui venaient de voir leur vie défiler sous leurs yeux hébétés, le monstre pivota vers son compagnon de route tout en rajustant son couvre-chef rougeoyant d'un geste expert, longuement travaillé au fil des années tant et si bien qu'il en était finalement naturel, automatique.

La poursuite allait pouvoir reprendre.

Honnêtement, Chôjuro n’avait absolument aucun mal à croire que la torture faisait partie des passe-temps les plus appréciés du vampire qui l’accompagnait dans cette mission de chasse aux frères traitres. C’était indéniable, surtout lorsqu’on regardait la vitesse à laquelle la réaction de l’éternel enfoiré s’était manifestée, faisant instantanément jaillir deux bras sveltes et étonnamment forts pour leur taille, de chaque côté de l’épéiste. Le visage revêtu d’une expression à mi chemin entre l’attitude ennuyée et l’impression d’avoir fait un choix sur le pouce un peu discutable, le jeune homme se contenta pourtant de regarder les deux hommes devant lui s’élever dans les airs, maintenus chacun par une main massive et gantée en blanc leur enserrant la gorge. Moui, il fallait toutefois donner à Shinku que lorsqu’il faisait un petit effort pour ne pas tuer directement ses victimes, il avait une chance de récupérer quelques bribes d’information. En fait, c’était le principal problème de ce vampire pédale : il avait une aisance un peu trop forte envers le fait de tuer les civils dès le premier contact. Déjà, les types suspendus au dessus du sol par les quenottes de l’Oï-nin agitaient les pieds en sentant l’air leur manquer peu à peu. Ils allaient finir par suffoquer, alors il allait falloir une forte dose de chance pour qu’ils arrivent à les informer avant de perdre conscience. Car c’était une chose dont Chôjuro était sûr : Shinku ne les lâcherait que lorsqu’ils auraient parlé, ou qu’ils seraient morts.

Fort heureusement pour les deux victimes du moment, le plus conscient des deux eut le merveilleux réflexe de lever lentement son bras, chancelant et à moitié soutenu par une conscience qui s’effaçait de plus en plus, à voir sa tête. La main se referma, laissant un index sortir à moitié du lot pour pointer une quelconque direction plus avant dans le tas de dunes de sabke qui les entourait. Mouais. C’était pas génial, mais dans l’immédiat ils s’en accommoderaient. Aussi, et de façon aussi comique que déplacée – sans doute – du point de vue des deux informateurs forcés, l’épéiste se contenta de laisser sortir quelques brèves paroels de ses lèvres qui étaient restées hermétiquement closes durant l’interrogatoire qui venait d’avoir lieu à l’instant.

''Eh bien merci messieurs, votre aide est fortement appréciée.’’

Sur ces paroles quelque peu empreintes d’une ironie désagréable pour les victimes concernées, le jeune homme se retourna ensuite vers son acolyte, qui venait de se donner la peine de réajuster le couvre-chef qui empêchait sa peau de se transformer en un réseau de craquelures des plus désastreuses. Il venait de s’offrir un petit agrément qui saurait peut-être le faire patienter jusqu’à ce qu’ils aient trouvés leurs deux cibles d’ici peu, avec de la chance. Et s’ils n’avaient pas de veine…eh bah ce connard veillerait sans doute à trucider un truc ou deux sur le chemin quand même, donc pas de quoi s’inquiéter. Ce qui était étrange, c’était que depuis le temps, Chôjuro avait tout bonnement cessé de vouloir empêcher le chef des Oï-nins à ses côtés de faire ses petits massacres, ces bains de sang qui maintenaient sa bonne humeur de façon générale. Il avait bien essayé au tout début, mais on ne met pas une laisse à une bête sanguinaire de par sa nature profonde.

Toujours était-il qu’en ce moment, finalement, il s’en foutait royalement de tous ces détails, étant donné qu’ils disposaient maintenant d’une mince, mais utile petite information qui pourrait augmenter leurs chances de trouver ce qu’ils cherchaient de par leur venue dans ce four en plein air qu’était le désert de Suna. Sérieusement, cet endroit était carrément à chier. Alors autant se bouger tout de suite et en finir bientôt avec tout ça. Signifiant d’un mouvement de tête à Shinku qu’ils reprenaient la route, le binoclard se permit une nouvelle fois de placer une phrase concise avant de démarrer lui-même en direction du point qui leur avait été pointé.

''Je veux pas savoir si tu t’en fous, on y va. Le plus tôt on aura trouvé ces deux types, le mieux ça vaudra.’’

De façon exceptionnelle, Chôjuro pouvait en ce moment affirmer avec certitude que pour l’une des rares fois de leurs existences respectives, lui-même et ce truc immunisé au vieillissement seraient en mesure de se mettre d’accord. Car inutile de le cacher, ils supportaient tous deux très mal cette chaleur de sauna, pourtant encore plus sec que la pierre séchée. C’en était totalement crevant, rien de moins. Pourtant, cela n’empêcha pas le jeune shinobi d’effectuer un premier bond, qui fut finalement suivi d’une course rapide à travers les dunes ensablées, carrément inattentif au simple fait de savoir si Shinku le suivait réellement ou non. Peu lui importait, en fait, ce truc vampirique le rattraperait instantanément s’il venait à trouver lui-même les deux criminels contre qui ils en avaient. C’était une chose qui faisait partie des truc inchangeables qui existaient en ce bas monde. Aux aguets maintenant, tournant fréquemment la tête en scrutant l’horizon avec parcimonie, l’épéiste tenta de déceler un mouvement à procimité qui saurait l’oritenter. Que leur offrait la suite de cette chasse…?