Charmes & étourderies

Spoiler:

Si les informations glanées par le maitre sont bonnes, un convois devrait passer dans les marécages dans pas trop longtemps. La nuit tombante, ils prévoient toujours de faire une pause et d'établir un campement. L'objectif est de partir avec une de ces cargaisons de fournitures de bases. On trouvera facilement un recéleur pour en tirer des bons bénéfices... à partager avec l'informateur malheureusement. Enfin, c'est comme ca que le monde tourne, et sans ce dernier, nous aurions plus que certainement manqué d'informations vis à vis de la situation. Le maitre m'a chargé de la direction des opérations. Pour une fois, je n'ai pas le droit de tout faire cramer, mais je dois plutôt user de mon intelligence et de ma sagacité. C'est pour cela qu'il a fait confiance à moi et je lui en suis très reconnaissante. C'est vrai que lorsqu'on compare avec "Disciple" ou "Céleste", ma sagesse est infiniment plus grande. Le pragmatisme fait de moi l'élément le plus stable du groupe... Enfin soit. La nuit tombe. L'heure est venue de passer à l'action. La première phase du plan, de mon plan. Mijoté avec le plus grand soin. Il se doit d'être parfait au possible, à l'image du maitre. Je frappe dans mes mains et je donne les premiers ordres, prouvant mon autorité.

On se sépare, les filles. Rendez vous ici dans une demi-heure, en espérant que l'une d'entre nous aura trouvé le campement. Allez !

Chacune part de son côté. Je traverse rapidement plusieurs clairières, à l'affut d'un campement. Parallèlement, je me fais la plus discrète possible pour éviter de me faire repérer une première fois. La réussite de mon plan en dépend, puisqu'il suppose un contact direct et en groupe avec les cibles. Ce que nous cherchons ne devrait pas être très loin. Mon regard est à l'affut de la moindre trace de passages. Je trouve des traces de pas, mais je perds malheureusement la piste après une mare. Le pistage, ce n'est pas mon élément de prédilection, malheureusement. J'étouffe un juron - parce que je sais que je ne trouverais pas le groupe, et que donc ma position envers le maitre sera moins favorable dans l'échelle de ses employées. Je traverse encore quelques bosquets. Quelques traces de passage, mais cela remonte à quelques heures et cela se dirige vers la zone de "Céleste". Quelle cocue celle-là ! Enfin, le maitre semble légèrement apeuré par ses réactions parfois, je ne perdrais donc peut-être pas mon statut privilégiée. Il me l'a dit, l'autre soir. Ces mots magiques qui m'ont remplies de bonheur. "Tu sais bien que c'est toit que je préfère." Je lui donnerais ma vie ! Mais pas question qu'une autre prenne cette place. Je dois travailler dure pour conserver ce poste.

Je rentre, un rien déçue, au lieu de rendez vous. Cela me rend déjà malheureuse de devoir écrire un premier échec de ma part dans le rapport, mais si j'arrive à le tourner d'une certaine façon, peut-être qu'il pourra croire que ce n'est qu'un hasard indépendant de ma volonté, et que c'est la réussite du groupe sous mon autorité qui doit primer... En plein songe, j'aperçois "Céleste" qui débarque devant moi. Par réflexe, j'ai déjà composé un sceau mais je m'arrête. Elle affiche un énorme sourire. Je la hais déjà, et je dois faire un effort pour ne pas continuer mes sceaux. Elle mériterait une belle chevelure bien brûlée. Oh oui... Mais Alias ne me pardonnerait pas. Je ne l'ai encore jamais vu s'énerver, mais je pense que c'est un évènement aussi terrible que rare. Il a acheté ma loyauté, je dois supporter. Endurer.

Ils sont à une lieue par là, je n'ai eut aucun mal à les retrouver. Il faut bien l'avouer, je suis extrêmement expérimentée, moi. J'ai appliquée une méthodologie rigoureuse, voilà tout. Ils viennent de commencer le campement, on devrait agir selon le plan prévue rapidement.

Quelle...pouffiasse ! Et imbue de sa personne. Quand on se promène de manière permanente avec un pétard dans les cheveux d'un blanc douteux, on n'a pas le droit de faire la morale aux autres sur la rigueur d'une méthodologie. La manière dont elle a accentué son "aucun", en prenant une légère pause au milieu me mets hors de moi. Plus encore, il s'agit de MON plan à la base. Pas question qu'elle se prenne tout le mérite à ma place. Il faut tout de même préciser qui est à l'origine de tout cela. Ou au moins le rappeler. Pourquoi ne pas utiliser le même accent tonique qu'elle ? Je suis tout aussi capable que cette pimbêche, si pas plus. Ce n'est pas parce que j'étais serveuse un temps dans le bar que je n'ai pas été entrainée pour ce genre d'exercice. A la base, j'ai subie une formation ninja dans mon village d'origine ! Mais il est de faible envergure, il y avait peu de missions pour nous et elles étaient mal payées. Le travail à l'auberge payait mieux... sinon j'aurais été sur les routes depuis longtemps, à faire des actions brillantes.

Mon plan prévoit néanmoins la présence de "disciple". Où est-elle ?

Elle arriva un bon quart-d'heure en retard. Pour la simple et bonne raison qu'elle s'était perdue. Concert de soupirs, agrémenté d'un "Désolée." sincère. Elle est si mignonne, cette petite, on ne peut pas lui en vouloir. On devrait juste refaire son éducation un de ces quatre. En attendant... Il est temps de passer à l'action. Nous prenons des sac-à-dos factices et nous prenons la direction du camp. De loin on aperçoit de la fumée. Pas étonnant que cette dinde l'ait trouvé aussi facilement. Le spectacle va pouvoir commencer...

Nous nous approchons du camps avec notre attirail. Un vigile nous arrête et lève sa lance... avant de la baisser immédiatement lorsqu'il aperçoit qu'il est en train de menacer trois déesses sans aucune intention hostile. D'ailleurs, nous avions même laissé nos katanas de côté pour garder l'air pacifique. Je m'avance vers lui et je demande d'un air langoureux, presque suppliant et tout simplement irrésistible.

Bonjours, collègues voyageurs. Nous avons vu votre feu de loin. Pouvons nous nous joindre à vous ? Nous avons un peu peur, si seule dans la nuit...

Je le vois dans ces yeux. Cet éclair de doute, de soupçons. Il ne nous fait pas entièrement confiance, mais il y a une certaine hospitalité à offrir aux vagabonds dans le besoin. Une sorte de règle d'honneur. Et puis... Ce n'est pas exactement comme si nous étions des laiderons sans charme.

Mais évidemment, il n'y a aucun souci. On va vous trouver de quoi dormir et ...

Dormir ? Pourquoi dormir alors qu'on peut faire la fête ! Vous avez fait un bon feu, on pourrait danser la carioca...

"Disciple" commence à faire quelques pas de danses devant l'homme, qui ne cache pas ses regards intéressés sur diverses formes de son anatomie. Quoi qu'on en dise, ce n'est plus une gamine, et elle a parfaitement bien joué son rôle de briser la barrière du doute et de la paranoïa. Cet homme ne nous crains plus. Non, il nous adore et veut nous croquer. Il a l'air enjoué par cette idée. Il passe d'ailleurs rapidement sa langue sur ses lèvres, mais cela ne m'échappe pas. Génial, il marche à fond dans le panneau.

Oui... on pourrait faire la fête... allez tout le monde debout, ce soir on a de belles dames à divertir ! Tiens, vous n'étiez pas trois ?

Il a remarqué l'absence de notre collègue, c'est qu'il n'est pas si idiot que cela. Mais ce genre de question peut être éviter facilement sans aucun risque de suspicion. Du moins, lorsqu'on appartient à la gente féminine. Je lui réponds, d'un air imitant une gêne.

Je crois que notre amie a été se soulager un peu plus loin...

L'homme rigole et nous commençons à danser autour des flammes. On nous applaudit. On nous acclame. "Disciple" est rayonnante avec sa carioca, mais je suis la plus agile à éviter que les flammes ne me touchent. Allez savoir pourquoi. Nous commençons a improviser un pas de danse proche de la Mezza de Kumo lorsque plusieurs personnes nous rejoignent dans une ambiance de fo-lie ! Nous nous arrêtons un instant pour nous assoir sur le côté, prétextant de devoir reprendre notre souffle. On nous propose à boire, nous acceptons en leur demandant qu'ils dansent à leur tour, pour nous montrer leur savoir à eux. Ils s'exécutent, nous laissons seule sur un tronc d'arbre. Je ressens une présence derrière moi.

C'est prêt.

"Céleste" était ré-apparut à nos côtés discrètement. Sa voix n'est qu'un murmure, mais je ne réprime pas un sourire sur mon visage. Tout se passe comme prévu, elle vient de préparer un chariot avec une monture, pendant que tout le monde assiste au début de la fête, insouciants. Une bien belle étourderie de leur part. Peut-être a-t-elle du assommer un homme ou deux, mais peut importe de la manière ou de la méthode utilisée. C'est fait. Excellent. Rien ne pourra nous empêcher d'accomplir la mission. Mon sasurai sera très fier de moi et de l'exécution de mon plan. Le chariot nous appartiendra, et nous le revendrons à un bon prix. Les rouages de ma machination s'emboitent magistralement avec une complète absence de grain de sable. C'est tellement plus amusant que de faire la serveuse aguicheuse dans une auberge mal famée !

Dommage, je n'ai pas pu tellement danser. Tant pis, je me rattraperais avec le maitre.

"Disciple" s'éclipse à son tour pour rejoindre le chariot que "Céleste" avait neutralisé. Parfait parfait. Il est temps de baisser le rideau sur un joyeux épilogue digne de moi, et de mon tempérament de feu. Finissons-en d'une belle manière. Une signature qui marquera les esprits et prouvera que je suis une femme à forte personnalité.

Et c'est ainsi que l'incendie débuta...

Je fais quelques signes ninjas, et mes joues se remplissent d'huile que je crache en un fin nuage - caché par l'obscurité de la nuit - tout autour du feu. Les flammes se mirent à danser de partout, lêchant l'herbe, les arbres, les buissons et certaines tentes. Des hommes courraient dans tous les sens pour éteindre cet incendie, et dans la confusion de tous, un wagon avait disparue avec l'animal qui le dirigeait. Et d'ailleurs, les deux danseuses avaient aussi disparues de tous. Direction, la frontière où un recéleur les attendaient. Une belle promenade nocturne.